Vassili Grossman: les années de guerre

Vassili Grossman, un écrivain de combat. C’est le titre de l’exceptionnelle biographie parue aux éditions du Seuil et réalisée par Myriam Anissimov, notre invitée, qui retrace la vie et l’itinéraire intellectuel de l’auteur de Vie et destin, expliquant comment la découverte de la Shoah, des massacres commis par les Einsatzgruppen sur le front de l’Est transforment Vassili Grossman en écrivain juif, engagé, bientôt soumis à l’antisémitisme profond du régime soviétique et à la censure.

Au terme d’une minutieuse enquête, menée en Russie, en Ukraine et en Israël, Myriam Anissimov nous offre le compte rendu détaillé du parcours de Vassili Grossman (1905-1964). Les années de guerre sont tout à fait capitales dans la compréhension de l’itinéraire de Vassili Grossman. Correspondant de guerre, il vit à la fois les moments les plus importants du front, notamment la bataille de Stalingrad, mais surtout découvre les massacres commis par les Einsatzgruppen, qui ont décimé l’ensemble de la population juive d’Ukraine, notamment de Berditchev sa ville natale, où vivait sa mère, mais aussi de Babi Yar, où 50 000 juifs de Kiev ont été assassinés. En 1944, il est l’un des premiers à entrer dans Maidanek et Treblinka. Il participe à l’entreprise de collecte de témoignages de crimes nazis en URSS, qui aboutira au Livre noir, initié par le Comité juif antifasciste, qui servira de preuve au procès de Nuremberg.

En retraçant l’extraordinaire destin d’un écrivain (chimiste de profession) d’abord célébré par les autorités, puis de plus en plus critique à mesure qu’il prend conscience de la stratégie totalitaire et sanglante du stalinisme et surtout lorsqu’il devient lui-même victime de l’antisémitisme, Myriam Anissimov raconte toute l’histoire de l’ancienne URSS.

Grossman mourra sans avoir assisté à la publication de son ouvrage fondamental, document exceptionnel sur la manipulation et la destruction des individus, au nom d’un hypothétique bien collectif. La maladie aura raison de sa résistance et c’est grâce à la ténacité de ses proches et amis que son chef-d’oeuvre sera publié.

Myriam Anissimov est née en 1943 dans un camp de réfugiés en Suisse. D’origine polonaise, elle est l’auteur de plusieurs romans dont La Soie et les Cendres (Payot), Dans la plus stricte intimité (L’Olivier), Le Marida (Julliard), Sa Majesté la Mort (Seuil) et des biographies de référence de Primo Levi (Lattès) et Romain Gary (Denoël).

Ce livre a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Myriam Anissimov présentera son livre mardi 26 juin à 19h au Mémorial de la Shoah dans le cadre du festival des cultures juives.

- Lire un extrait du livre sur le site des éditions du Seuil.

- A voir sur le site Akadem, la conférence consacrée à Vassili Grossman organisée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris en avril 2012.

- Commander le livre via le site www.placedeslibraires.fr.

Lire et relire André Schwarz-Bart

Invitée de cette émission, Francine Kaufmann, Professeur à l’Université Bar Ilan de Tel Aviv, qui a a publié Pour relire le Dernier des justes: Réflexions sur la Shoah (Méridiens-Klincksieck, 1987), et a consacré de nombreux articles à André Schwarz-Bart, notamment sur l’Etoile du Matin, le dernier livre d’André Schwarz-Bart, qui paraît aujourd’hui en édition de poche (Seuil, collection « Points »)

Emission animée par Perrine Kervran

André Schwarz-Bart, on s’en souvient, a connu un succès immense en 1959 lors de la publication de son premier roman, Le dernier des Justes, qui a remporté le prix Goncourt et a été vendu à plus d’un million d’exemplaires. Mais ce livre déclenche de vives polémiques. Même si André Schwarz-Bart est blanchi des accusations portées contre lui, le succès n’est plus au rendez-vous pour ses livres suivants. Blessé, il part s’installer en Guadeloupe auprès de sa femme, Simone, et décide de ne plus publier. Ce livre posthume, qui vient de paraître en poche aux éditions du Seuil, témoigne de ce qu’André Schwarz-Bart n’a jamais cessé d’écrire sur l’histoire des Juifs et de la Shoah, une histoire qui l’a marquée personnellement, ses parents, sa grand-mère, deux de ses frères et soeurs ayant été assassinés à Auschwitz-Birkenau. L’incapacité d’André Schwarz-Bart à finir l’Etoile du Matin était-elle, comme sa femme Simone nous le suggère, une façon de rester en contact avec les siens?

Sur l’Etoile du Matin

Comme dans le dernier des Justes, André Schwartz-Bart évoque la traversée des siècles d’une famille polonaise, les Schuster, qui traverse les persécutions jusqu’au destin du petit fils, Haim, hébergé dans le ghetto de Varsovie chez le docteur Korczak, puis déporté à Auschwitz. A l’instar des autres survivants de la Shoah, Haïm porte en lui la tragédie des siens et cette interrogation  Mais un individu peut-il porter le deuil de tout un peuple ?