L’heure d’exactitude

Invitées de cette semaine,  Annette Wieviorka, historienne, Directrice de recherche au CNRS, présidente de la Commission Mémoire et transmission à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, et Séverine Nikel rédactrice en chef de la revue L’Histoire, qui co-signent un livre d’entretiens aux éditions Albin Michel, L’heure d’exactitude.

Annette Wieviorka a vécu cette expérience rare pour un chercheur de voir son objet d’étude – la mémoire du génocide des Juifs – intéresser le grand public, les médias et les pouvoirs publics.  Ce livre d’entretiens avec Séverine Nikel retrace son itinéraire intellectuel et son travail d’historienne. <!–Depuis la publication de sa thèse, Déportation et génocide, en 1992, Annette Wieviorka a été partie prenante de tous les débats. Elle a participé à la mission Mattéoli sur la spoliation des Juifs de France et au soixantième anniversaire de l’ouverture des camps d’Auschwitz.

Pourquoi la « mémoire de la Shoah », le « devoir de mémoire » et le « témoin » tiennent-ils la place qu’ils occupent aujourd’hui dans nos sociétés ? Quel sens cela a-t-il et quels malentendus se sont installés ? Que faut-il transmettre aux générations futures ?

Ce sont quelques-unes des questions posées au fil de ce dialogue, qui retrace un parcours singulier, placé sous le signe de la liberté de pensée, et dont les grandes préoccupations puisent du côté des interrogations les plus douloureuses du XXe siècle.

Je vous écris du Vel d’hiv

Invitée de cette émission, Karen Taieb, responsable du service Archives du Mémorial de la Shoah, qui a rassemblé, à l’initiative de Dominique Missika,  les lettres écrites du Vel d’Hiv et parues sous le titre « Je vous écris du Vel’ d ‘hiv »  aux Editions Robert Laffont.

Emission animée par Perrine Kervran



Les 16 et 17 juillet 1942, 4 500 policiers sont mobilisés pour réaliser la plus grande rafle à l’encontre des Juifs jamais organisée dans Paris et sa banlieue. 12 884 personnes sont arrêtées : 3 031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants. Les individus ou familles sans enfants seront dirigés sur le camp de Drancy, les autres, avec enfants, vers le Vélodrome d’Hiver. Les 6 000 Juifs envoyés à Drancy seront déportés rapidement, ceux du Vel’ d’Hiv sont transférés dans les camps du Loiret, de Pithiviers et Beaune-la-Rolande. Le 22 juillet, soit six jours après le début de la rafle, le Vel’ d’Hiv a été entièrement évacué.
On parle beaucoup et souvent de la rafle du Vel’ d’Hiv. Mais à y regarder de plus près, il y a très peu de documents qui disent la violence de l’arrestation, les conditions dramatiques de l’enfermement, la faim, les maladies, le bruit, les odeurs…

Ces lettres, ce sont quelques mots jetés à la hâte sur un bout de papier, remis à des mains complaisantes. Pour plus de 8 000 personnes internées au Vél’ d’Hiv, moins de vingt lettres ont été retrouvées.
Pour la plupart inédites, elles étaient conservées aux archives du Mémorial de la Shoah. Pour la première fois, les voici rassemblées et publiées dans cet ouvrage. Toutes sont clandestines puisque qu’aucune correspondance n’était autorisée.
Ces lettres sont terrifiantes de vérité, de détails. Mais elles constituent aussi malheureusement seulement le point de départ de l’horreur puisque, à une exception près, toutes les personnes dont les lettres sont publiées vont être assassinées dans les camps de la mort.

Le Mémorial de la Shoah reçoit toute personne ayant en sa possession des documents (photos, lettres etc) relatifs à la vie des Juifs avant, pendant et après la Shoah. Ces documents sont, après accord, scannés et rendus aux personnes.

La demi douce

Invité cette semaine, Henri Ostrowiecki, orphelin de la Shoah, qui publie aux éditions des Rosiers la demi-douce, un témoignage sensible.

Emission animée par Perrine Kervran

Enfant, Henri Ostrowiecki échappa à la rafle du Vel’ d’Hiv’ grâce à la présence d’esprit de sa mère. Recueilli par son oncle et sa tante, il grandit en banlieue parisienne au sein d’une famille juive polonaise. Alors que ses cousins réussissent leurs études, Henri rate le concours d’entrée en sixième. Apprenti puis ouvrier ajusteur, l’orphelin éprouve un sentiment d’injustice et d’incompréhension. <!–Il est contraint à un travail répétitif et connaît la difficile condition ouvrière de l’après-guerre. L’indicible blessure de l’orphelin est toujours là dissimulée au fonds de lui-même.Jusqu’à cette “nuit de Bizerte” où avec l’écriture qui survient la parole s’installe. Où le destin juif et le destin ouvrier, ces deux figures du malheur à ses yeux, se craquellent pour laisser place à un sujet qui fait de la parole et de l’écrit les visages d’une même libération.

Les mots balancés rageusement le feront se projeter hors de lui. Ils donneront quelques années plus tard un manuscrit, ce livre.

Ce récit est paru avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

- Commander le livre auprès des éditions des Rosiers.

Le Mémorial de la Shoah à Paris

Inauguré par le président de la République Jacques Chirac, le « nouveau »
Mémorial de la Shoah a ouvert au public le 27 janvier 2005 à l’occasion du
soixantième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz -Birkenau. Situé à Paris dans le quartier historique du Marais, c’est aujourd’hui l’institution de référence en Europe sur l’histoire de la Shoah et nous avons le plaisir d’accueillir pour en parler Eric de Rothschild, Président du Mémorial de la Shoah.

Comprendre le passé pour éclairer l’avenir, telle est la vocation de ce lieu, à la fois musée, centre de documentation et lieu de mémoire.
Une institution qui a elle même une histoire exceptionnelle, puisqu’elle a été créé pendant la guerre, pour rassembler des preuves de la persécution des Juifs.

Eric de Rothschild. Credit: Sandra Saragoussi/ Mémorial de la Shoah

Depuis la création de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, le Mémorial a été doté de nouvelles ressources qui ont pu lui permettre de se développer, de refondre les espaces d’exposition permanente, d’accueillir des expositions temporaires, des projections, des rencontres; d’ériger le Mur des Noms avec les Noms des 76000 Juifs déportés de France et l’Allée des Justes ; de proposer aussi des activités pédagogiques (accueil des scolaires, formation des enseignants et d’autres publics, voyages à Auschwitz-Birkeanau); et d’enrichir ses fonds d’archives, en recueillant encore les lettres, les photographies, les archives personnelles des Juifs avant, pendant et après la Shoah.