Primo Levi: le passage d’un témoin

Au sommaire de cette émission, un itinéraire biographique, celui de Primo Levi, à l’occasion de la parution aux éditions Fayard de Primo Lévi, le passage d’un témoin, de Philippe Mesnard, professeur des Universités en littérature générale et comparée à l’Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand et directeur dela Fondation Auschwitz de Bruxelles, qui est notre invité aujourd’hui.

Philippe Mesnard retrace le parcours d’un homme qui a grandi auprès de parents distants, à l’ombre du fascisme mussolinien, celui d’un jeune homme brillant qui se destinait à la chimie, celui d’un homme qui a connu l’antisémitisme et les camps nazis, et celui d’un écrivain qui signe un témoignage qui fera date, Si c’est un homme. Mais ce parcours est aussi celui d’un homme inquiet, désormais tiraillé pour toujours entre son rêve d’écriture, son devoir de témoin, ses souvenirs envahissants et sa vue de famille étouffante, autant de failles qui peuvent expliquer le fait que Primo Levi se suicide en 1987, à l’âge de 68 ans.

Ne voir en Primo Levi qu’un témoin, même exemplaire, serait limiter son importance. Inlassable chroniqueur pour La Stampa, homme de radio et de télévision, Primo Levi fut surtout un intellectuel engagé, qui a produit une pensée authentiquement singulière. Lauréat de nombreux prix, poète, romancier, nouvelliste, dramaturge et essayiste, il a laissé une œuvre que la seule catégorie du témoignage ne suffit pas à définir. À cela, on doit ajouter que la chimie a constitué pour lui un métier, comme il aimait à le dire, mais aussi une manière de voir et de se situer dans le monde. Il termine sa carrière à la tête d’une entreprise chimique d’ampleur internationale. Cet homme multiple, hyperactif, polyglotte constitue en soi une énigme, laquelle est redoublée par son suicide, le 11 avril 1987. L’exploration de son existence fait découvrir des paradoxes, des fissures et des hantises qui ne renvoient pas toute à la violence concentrationnaire, mais aussi à son histoire familiale et à sa vie professionnelle. Autant de dimensions qui amènent à remettre en question les clichés qui l’enfermaient dans le mythe de l’optimiste invétéré et de l’infaillible témoin. Basée sur de nombreux documents inédits, cette biographie offre un double éclairage sur la vie sociale et familiale de ce Juif piémontais, amoureux de la montagne, qui, lorsqu’il était étudiant, aurait aimé se consacrer entièrement à la chimie, ainsi que sur ce qui différencie des autres le témoignage de Primo Levi sur les camps, et lui donne une force exceptionnelle.

Rencontre avec l’écrivain israélien Uri Orlev

A l’occasion de la parution en français aux éditions de l’Eclat de ses premiers poèmes, écrits à Bergen-Belsen à l’âge de 13 ans, Uri Orlev, écrivain israélien pour la jeunesse, est notre invité de cette semaine, accompagné de sa traductrice, Sabine  Huynh.

Depuis son arrivée en terre d’Israël en septembre 1945, Jerzy Henryk Orlowski a conservé précieusement pendant plus de 60 ans un petit carnet à couverture rouge sur lequel, à 13 ans, il avait recopié 15 poèmes écrits au camp de Bergen-Belsen où il fut déporté avec sa tante et son jeune frère au cours de l’année 1944. Quinze poèmes qui témoignent de cette vitalité opiniâtre de l’enfant confronté à la barbarie, et de la place unique de la poésie dans le dialogue secret qu’il entretient avec lui-même. Devenu Uri Orlev, auteur de livres pour la jeunesse traduits dans le monde entier, il a souhaité rendre publics ces balbutiements d’écrivain, par une sorte de fidélité absolue à l’enfant qu’il était et à son destin, dédiant ainsi toute son œuvre littéraire d’adulte à cette génération d’enfants qui connurent la Shoah, à ceux qui y survécurent, et à ceux qui y périrent.

La traduction des poèmes réalisée par Sabine Huynh est suivie de la reproduction en fac-similé en couleurs de l’intégralité du carnet d’Uri Orlev, avec le texte dans sa version originale polonaise.

Cet ouvrage a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

- A lire, l’article de Wajdi Mouawad dans Le Monde des Livres daté du 21 octobre 2011

- Commander le livre via le site www.placedeslibraires.fr.

Ecouter l’ensemble de l’enregistrement:

L’heure d’exactitude

Invitées de cette semaine,  Annette Wieviorka, historienne, Directrice de recherche au CNRS, présidente de la Commission Mémoire et transmission à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, et Séverine Nikel rédactrice en chef de la revue L’Histoire, qui co-signent un livre d’entretiens aux éditions Albin Michel, L’heure d’exactitude.

Annette Wieviorka a vécu cette expérience rare pour un chercheur de voir son objet d’étude – la mémoire du génocide des Juifs – intéresser le grand public, les médias et les pouvoirs publics.  Ce livre d’entretiens avec Séverine Nikel retrace son itinéraire intellectuel et son travail d’historienne. <!–Depuis la publication de sa thèse, Déportation et génocide, en 1992, Annette Wieviorka a été partie prenante de tous les débats. Elle a participé à la mission Mattéoli sur la spoliation des Juifs de France et au soixantième anniversaire de l’ouverture des camps d’Auschwitz.

Pourquoi la « mémoire de la Shoah », le « devoir de mémoire » et le « témoin » tiennent-ils la place qu’ils occupent aujourd’hui dans nos sociétés ? Quel sens cela a-t-il et quels malentendus se sont installés ? Que faut-il transmettre aux générations futures ?

Ce sont quelques-unes des questions posées au fil de ce dialogue, qui retrace un parcours singulier, placé sous le signe de la liberté de pensée, et dont les grandes préoccupations puisent du côté des interrogations les plus douloureuses du XXe siècle.

Le cahier de Susi

Nous recevons cette semaine Guillaume Ribot, photographe, à propos du documentaire qu’il vient de réaliser, Le cahier de Susi.

Emission animée par Perrine Kervran

Archives Guillaume Ribot

Un cahier d’écolière, c’est tout ce qu’il restait de la courte vie de Susi Feldsberg, un cahier bien à l’abri dans le buffet d’une ferme du Sud Ouest de la France. Un cahier conservé depuis les années de guerre, un cahier dont on ne sait pas trop comment il est arrivé là. Guillaume Ribot est photographe, il a retrouvé ce cahier et a voulu retracer l’itinéraire de Susi Feldsberg, de sa naissance à son assassinat à Auschwitz.

 

« Le cahier de Susi » a été édité en décembre 2013 sous la forme d’un coffret DVD par l’Education Nationale et le CRDP Grenoble.

Ce coffret comprend le DVD, des documents d’archives numérisés ainsi que le fac-similé du cahier d’écolière de 68 pages rédigée par Susi Feldsberg en 1942 quelques mois avant sa déportation à Auschwitz.

« Le cahier de Susi » a reçu prix « Brouillon d’un rêve documentaire » de la SCAM ». Il est également soutenu par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Un site est dédié à ce travail : http://www.cndp.fr/crdp-grenoble/cahierdesusi/

 

Archives Guillaume Ribot