La disparition de Josef Mengele

Emissions du 17 et du 24 décembre, animées par Stéphane Bou : notre invité est Olivier Guez, écrivain,  pour revenir sur les questions posées par son livre, La disparition de Josef Mengele, publié aux éditions Grasset, prix Renaudot.

 

C’est l’histoire d’un homme qui pourrit. Pas n’importe quel homme mais celui qui, opérant le tri à l’arrivée des convois à Auschwitz, sélectionnait les cobayes pour ses expérimentations médicales. Josef Mengele, « l’Ange de la mort » : son nom et son surnom vont devenir légendaires, charriant avec eux l’imaginaire de la pire criminalité nazie. Celle qui découpe, triture et veut s’enfoncer toujours plus loin dans le « matériel humain » pour percer le secret des races. Après la guerre, Mengele rejoint l’Amérique latine, où se retrouvent les plus fidèles d’Hitler qui ont réussi à s’échapper. En Argentine d’abord, puis au Paraguay et au Brésil. C’est là, au sein d’un « Quatrième Reich fantôme » nostalgique et qui rêve de revanche, qu’Olivier Guez – dans La disparition de Josef Mengele, qui vient d’obtenir le prix Renaudot – piste le « détritus de l’Histoire » dont il a fait un personnage de roman ; pour mieux le regarder pourrir comme une vieille pomme vénéneuse.

Pendant quelques années après la guerre, Mengele est comme un pacha qui survit bien grâce à son réseau d’entraide. Mais, alors que sa traque va s’intensifier, comme l’écrit Olivier Guez : « le voilà livré à lui-même, asservi à son existence, aux abois, moderne Caïn errant. Commence la descente aux enfers. Il va ronger son cœur et s’égarer dans la nuit ». Le livre met alors en scène le contraste entre la mythologie, décrite par Olivier Guez comme celle « d’un super vilain aussi insaisissable que Goldfinger, une figure pop du mal, invincible, richissime et rusée » et la réalité d’une déchéance sans commune mesure avec les fantasmes qui ont inspiré  Hollywood (on pense ici aux personnages incarnés par Lawrence Olivier dans Marathon Man, par exemple, ou par Gregory Peck dans Ces garçons qui venaient du Brésil).

Tout au long d’un récit sec et précis, qui fuit la grandiloquence – on est loin des Bienveillantes de Jonathan Littel –, le lecteur est pris par un étrange suspense. Celui qui suit l’agonie misérable d’un criminel monstrueux devenu une épave paranoïaque.

Olivier Guez

De la France occupée à la Pampa

Émission du 18 juin 2017 avec notre invitée est Hélène Gutkowski, qui a recueilli  30 témoignages croisés d’anciens enfants cachés en France vivant aujourd’hui en Argentine. Ce travail collectif débouche sur une publication en deux volumes, dans la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

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Extrait de l’intervention de l’ancien ambassadeur français en Argentine Frédéric du Laurens lors de la présentation au Mémorial de la Shoah :

« Il y a deux livres en un, le premier retrace en deux longs chapitres l’histoire de la présence juive en Argentine. Cette histoire est décrite en 70 pages fort bien documentées et illustrées. Cette histoire est évidemment dans l’ensemble bien connue des Argentins eux-mêmes. Je le dis tout de même avec prudence car, par exemple, moi-même j’ignorais qu’il y avait eu un pogrom à Buenos Aires, en janvier 1919 ! En revanche cette histoire de la présence juive en Argentine est très souvent ignorée en Europe, notamment en France.

Le second livre, de loin le plus long et le plus substantiel, est composé de neuf chapitres, consacrés un à un aux « témoignages des survivants » (le second volume du livre d’Hélène Gutkowski ajoutera à ces 9 témoignages d’autres recueillis ultérieurement).

Je vous laisse découvrir ces récits qu’on lit avec émotion et souvent même de façon haletante. Et je me limiterai à partager avec vous les observations générales que je me suis faites de « l’enchaînement » de ces témoignages, une fois refermé ce gros ouvrage.

D’une façon qui, je dois l’avouer, m’a surpris, il est un mot qui revient sans cesse pour qualifier ces situations où tout semble perdu et où pourtant triomphe la vie, la survie : c’est le mot de « miracle ». Tous les témoins-survivants l’emploient, des dizaines de fois. Nous sommes là à la charnière du sensible et du merveilleux, du raisonnable et de l’impensé, du rationnel et de l’incompréhensible, de la fatalité et de l’inattendu. Au-delà de la rigueur des récits dont j’ai vanté le mérite, s’ouvre ici un champ de méditation sur ce qui conduit nos vies. A chacun de nous de donner à ce mot le sens que lui dicte sa conscience. »

 

Matès et Idesa Jablonka

Invité cette semaine, Ivan Jablonka, maître de conférences en histoire contemporaine et chercheur associé au Collège de France, qui publie aux éditions du Seuil Histoire des grands parents que je n’ai pas eus. Un livre qui tente de retracer l’existence traversée par les tragédies du XX ème siècle d’Idesa et Matès Jablonka, assassinés à Auschwitz-Birkenau.

Un livre comme une enquête littéraire, dans les pas des écrits de Georges Pérec et de Patrick Modiano… un livre qui sait chercher, fouiller les archives, écumer les registres et lire entre les lignes administratives les détails de vies oubliées. Un livre qui nous fait traverser les shtetls de Pologne,  nous entraîne dans le Belleville des années 40, nous fait goûter aux idéaux communistes des années 30, aux stratégies de fuite et de survive des immigrés clandestins, aux solidarités, aux trahisons, aux sacrifices…

Rencontre le 19 mars 2012 à 19h30 Au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme  entre Ivan Jablonka, Anne Gorouben et Jacques Saglier sur le thème des histoires familiales et des styles de narration de chacun. La rencontre sera animée par Francesca Isidori, journaliste.
Ivan Jablonka a bénéficié du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah lors des recherches qu’il a conduites pour ce livre.

- Lire un extrait du livre sur le site des éditions du Seuil

Ivan Jablonka a reçu le 6 juin 2012 le prix du livre d’histoire du Sénat.