Émission du 28 mai 2017 avec Raphaël Esrail, président de l’Union des Déportés d’Auschwitz et Isabelle Ernot, historienne. Ils nous parlent du site Internet Mémoires des déportations qui regroupe les témoignages de déportés juifs et de déportés résistants de la plupart des camps d’Europe, avec une possibilité pour les élèves de réaliser des films pédagogiques.
Cette semaine, notre invité est l’historien Alexandre Sumpf, commissaire de l’exposition présentée jusqu’au 27 septembre 2015 au Mémorial de la Shoah: filmer la guerre: les soviétiques face à la Shoah.
Aujourd’hui, 70 ans après la libération des camps, chacun a en mémoire les terribles images que les photographes en ont rapportées. Seuls les opérateurs de cinéma soviétiques, au fi l de la reconquête du terrain perdu (1942-1943), puis de la conquête des pays baltes, de la Pologne et des territoires allemands orientaux (1944-1945) ont pu tourner sur les lieux des plus importants massacres de civils qu’ait connus l’Europe dans son histoire. Les images filmiques de ce crime, que l’Occident a pour la plupart oubliées, n’ont pas été exploitées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comment et dans quels buts ont été tournées, montées et projetées ces images en URSS pendant la guerre ? Pourquoi les Soviétiques ont-ils minimisé la spécificité des Juifs parmi les victimes des exactions nazies ? Les centaines d’images montrées dans cette exposition dévoilent l’ouverture des fosses et les traces des exécutions de masse en Europe de l’Est (Babi Yar, Kertch, etc.), la libération des camps, ainsi que les multiples procès et exécutions qui suivirent la Libération. Cette exposition tente d’en comprendre les usages, et cherche à saisir comment la diffusion d’une partie d’entre elles a façonné la représentation collective de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah.
Vassili Grossman, un écrivain de combat. C’est le titre de l’exceptionnelle biographie parue aux éditions du Seuil et réalisée par Myriam Anissimov, notre invitée, qui retrace la vie et l’itinéraire intellectuel de l’auteur de Vie et destin, expliquant comment la découverte de la Shoah, des massacres commis par les Einsatzgruppen sur le front de l’Est transforment Vassili Grossman en écrivain juif, engagé, bientôt soumis à l’antisémitisme profond du régime soviétique et à la censure.
Au terme d’une minutieuse enquête, menée en Russie, en Ukraine et en Israël, Myriam Anissimov nous offre le compte rendu détaillé du parcours de Vassili Grossman (1905-1964). Les années de guerre sont tout à fait capitales dans la compréhension de l’itinéraire de Vassili Grossman. Correspondant de guerre, il vit à la fois les moments les plus importants du front, notamment la bataille de Stalingrad, mais surtout découvre les massacres commis par les Einsatzgruppen, qui ont décimé l’ensemble de la population juive d’Ukraine, notamment de Berditchev sa ville natale, où vivait sa mère, mais aussi de Babi Yar, où 50 000 juifs de Kiev ont été assassinés. En 1944, il est l’un des premiers à entrer dans Maidanek et Treblinka. Il participe à l’entreprise de collecte de témoignages de crimes nazis en URSS, qui aboutira au Livre noir, initié par le Comité juif antifasciste, qui servira de preuve au procès de Nuremberg.
En retraçant l’extraordinaire destin d’un écrivain (chimiste de profession) d’abord célébré par les autorités, puis de plus en plus critique à mesure qu’il prend conscience de la stratégie totalitaire et sanglante du stalinisme et surtout lorsqu’il devient lui-même victime de l’antisémitisme, Myriam Anissimov raconte toute l’histoire de l’ancienne URSS.
Grossman mourra sans avoir assisté à la publication de son ouvrage fondamental, document exceptionnel sur la manipulation et la destruction des individus, au nom d’un hypothétique bien collectif. La maladie aura raison de sa résistance et c’est grâce à la ténacité de ses proches et amis que son chef-d’oeuvre sera publié.
Myriam Anissimov est née en 1943 dans un camp de réfugiés en Suisse. D’origine polonaise, elle est l’auteur de plusieurs romans dont La Soie et les Cendres (Payot), Dans la plus stricte intimité (L’Olivier), Le Marida (Julliard), Sa Majesté la Mort (Seuil) et des biographies de référence de Primo Levi (Lattès) et Romain Gary (Denoël).
Ce livre a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Myriam Anissimov présentera son livre mardi 26 juin à 19h au Mémorial de la Shoah dans le cadre du festival des cultures juives.
Lire un extrait du livre sur le site des éditions du Seuil.