Emission du 17 juin 2018 : à l’occasion de la sortie en salles le 4 juillet prochain des Quatre soeurs, de Claude Lanzmann, nous rediffusons l’émission réalisée avec Serge Toubiana, ancien directeur des Cahiers du cinéma et de la Cinémathèque française. Un film consacré à quatre survivantes de la Shoah, quatre destins éloignés et pourtant proches : Ruth Elias, Ada Lichtman, Paula Biren, et Hanna Marton.
Comment en 25 ans, en l’espace d’une génération, tout un monde, toute une civilisation bimillénaire voire trimillénaire, a pu disparaître, sans laisser de traces dans les manuels scolaires, sans laisser beaucoup de traces si ce n’est dans les mémoires familiales? C’est la question importante qu’étudie l’historien Georges Bensoussan, notre invité cette semaine, à l’occasion de la parution de son dernier livre aux éditions Tallandier, Juifs en pays arabes, le grand déracinement 1850-1975.
Dans cet ouvrage, l’historien Georges Bensoussan cherche à comprendre comment les communautés juives d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen-Orient – communautés parfois très anciennes – ont été contraintes de quitter leur pays après la Seconde Guerre mondiale. Il entend se détacher des lectures passionnelles et des partis pris idéologiques pour explorer les racines d’un exode qui ne fut pas le seul fait du conflit israélo-arabe.
Sous l’effet de la colonisation européenne, les Juifs des pays arabes, majoritairement séfarades, ont accédé à une forme de modernité culturelle, parfois à un réel développement économique, et se sont affranchis de l’ancestral statut de dhimmis.
Depuis les années 1920, la naissance de l’anticolonialisme arabe a structuré le destin des minorités juives prises malgré elles dans le conflit colonisé-colonisateur. La situation en Palestine et la collusion de certains leaders arabes avec les pays de l’Axe ont fini de dissoudre les ultimes liens qu’une longue cohabitation avait jadis établis.
Lors du reflux des puissances européennes, de nombreux Juifs furent ainsi contraints de partir après avoir subi humiliations et spoliations. Dans certains cas, ces phénomènes se sont accompagnés de violences physiques.
Du Maroc en Égypte, de la Libye au Yémen comme en Irak et en Tunisie, des centaines de milliers de Juifs ont ainsi dû quitter les pays arabo-musulmans en moins de 25 ans.
L’histoire dramatique de ces Juifs fut par la suite occultée, éclipsée par la prédominance d’un judaïsme ashkénaze lui-même recouvert par l’ombre immense de la Shoah.
S’appuyant sur des archives de l’Alliance israélite universelle, des documents diplomatiques français, des archives israéliennes et d’autres fonds épars du CDJC et de l’OSE, Georges Bensoussan a voulu envisager dans toute son épaisseur le déracinement des Juifs vivant dans les pays arabes.
Historien et responsable éditorial au Mémorial de la Shoah (Paris), Georges Bensoussan est l’auteur de Un nom impérissable ? Israël, le sionisme et la destruction des Juifs d’Europe (Seuil, 2008), Europe. Une passion génocidaire (Mille et une nuits, 2006), Une histoire intellectuelle et politique du sionisme (Fayard, 2002). Il a également co-dirigé le Dictionnaire de la Shoah (Larousse, 2009).
Cet ouvrage a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Les Femmes dans la violence dans l’histoire : tel est le thème d’un colloque organisé les 28 et 29 novembre 2010 par Anny Dayan Rosenman, Maître de conférences à l’Université Paris VII-Denis Diderot qui revient pour Mémoires Vives sur le sujet de sa communication, consacrée aux Femmes dans les camps : féminités blessées et communautés maternelles
Emission animée par Perrine Kervran
Au-delà des récits terribles rapportés par les témoins, il s’agissait aussi de se pencher sur les spécificités féminines de la vie concentrationnaire et aux formes que pouvaient prendre le sentiment maternel et la maternité quand elle surgissait dans ces lieux de mort.
Charlotte Delbo à Auschwitz-Birkenau
« Mais les mères mirent tous leurs soins à préparer la nourriture pour le voyage. Elles lavèrent les petits, firent les bagages et, à l’aube, les barbelés étaient couverts de linge d’enfants ; et elles n’oublièrent ni les langes, ni les jouets. N’en feriez vous pas autant, vous aussi, si on devait vous tuer demain avec votre enfant ? » Primo Lévi, Si c’est un homme.
Comme l’écrit Anny Dayan Rosenman, « La force du témoignage de Primo Levi se retrouve bien là, dans précision du détail qui éclaire l’ensemble. En effet, quoi de plus révélateur de la folie génocidaire que ces vêtements d’enfants étendus sur les barbelés ?
Quoi de plus important dans le récit du témoin que cette adresse à l’Autre : n’en feriez vous pas autant vous aussi ?Quoi de plus révélateur aussi de la condition des femmes pendant la Shoah, où elles durent prendre en charge leur vie et bien plus que leur vie, être le pilier de familles entières, faire preuve de lucidité mais aussi de tendresse, d’attention, faire preuve d’un courage au quotidien au cœur du pire. »
Programme du colloque: FEMMES DANS LA VIOLENCE DE L’HISTOIRE- LE TÉMOIGNAGE AU FÉMININ
Colloque interdisciplinaire et international
en partenariat entre l’Université Paris – Diderot et le Mémorial de la Shoah.
Dimanche 28 novembre . Mémorial de la Shoah
14h30 Modérateur: Eric MARTY
Anny DAYAN ROSENMAN (Université Paris 7- Denis Diderot ) : Femmes dans les camps : maternités blessées et communautés maternelles.
Luba JÜRGENSON (Université Paris III – Sorbonne Nouvelle) : Kolyma : témoignages de femmes.
Jean-Yves POTEL (écrivain, essayiste) : De quoi témoigne Anna Langfus ?
Le débat est suivi d’une lecture :
Textes de Charlotte Delbo, Evguenia Ginsburg, Anna Langfus, Liana Milu, Ana Novac
lus par Michèle TAUBER
Lundi 29 novembre Université Paris 7-Denis-Diderot-
10h à 11h15 . Modératrice : Carine TRÉVISAN
Martine LEFEUVRE-DÉOTTE (Université de Caen) : Argentine : Les « folles» de la Place de Mai.
Christelle TARAUD, (Programmes parisiens de NYU et de Columbia University ) : Femmes dans la guerre d’Algérie : le cas Djamila Boupacha.
11h30-13h. Modératrice : Martine LEIBOVICI
Janine ALTOUNIAN (essayiste, traductrice de Freud) : Arméniennes, gardiennes de trésors et de larmes
Amélia PERAL (Université d’Alicante ) : Les mères perdues. Mater ou Génitrix ?
Jennifer CAZENAVE (Doctorante, Université- Diderot ) : « L’archive parle d’elle », la femme dans les rushes de Shoah
14h30-15h45. Modératrice : Luba JURGENSON
Alain PARRAU (Université Paris- Diderot) : Geneviève de Gaulle Anthonioz, « La traversée de la nuit » .
Pierre PACHET (écrivain, essayiste) « J’ai décidé de rester vivante » Olga Adamova-Sliozberg, la résistance d’une femme soviétique déportée au goulag ( L’Aujourd’hui blessé, ed Verdier, 1997)
16h-17h45. Modérateur: Jean DELABROY
Catherine COQUIO ( Université Paris 8) : Antigones
Régine WAINTRATER (Université Paris- Diderot) : Femmes dans le génocide : une résilience particulière ?
Jean HATZFELD (journaliste, écrivain) : Femmes et témoins au Rwanda