Cette semaine, nous recevons Philippe Joutard, ancien recteur, historien, pour le livre qu’il vient de faire paraître aux éditions la découverte: Histoire et Mémoires, conflits et alliance.
Philippe Joutard nous livre ici sa vision des rapports entre mémoire et histoire, des rapports qui ont été souvent conflictuels, mais qui peuvent aussi être apaisés. La mémoire est en effet source de richesse pour l’historien, dans le cas de la Shoah, l’histoire n’aurait pas pu être écrite sans les différents témoignages qui permettent d’approcher le coeur même de la Shoah, comme Claude Lanzmann en avait fait la démonstration avec son oeuvre magistrale, Shoah. Mais l’histoire est aussi le moyen d’apaiser les mémoires blessées, et de permettre aux mémoires concurrentes de cohabiter. La meilleure manière de vaincre l’oubli et de se prémunir contre les excès mémoriels.
A l’occasion de l’ouverture le 3 juin 2013 d’un lieu de mémoire au Chambon-sur-Lignon dédié à l’accueil des réfugiés et au sauvetage des Juifs sur le plateau du Vivarais Lignon, nous recevons aujourd’hui Philippe Joutard, historien, ancien recteur, spécialiste de l’histoire du protestantisme et Aziza Gril-Mariotte, maître de conférences à l’université d’Alsace et coordinatrice scientifique du projet.
Une histoire exemplaire
Terre protestante forte d’une longue tradition d’accueil, le plateau du Vivarais-Lignon a abrité un grand nombre de réfugiés pendant la Seconde Guerre mondiale. Républicains espagnols, Allemands et Autrichiens antinazis d’abord, puis de nombreux Juifs persécutés, des réfractaires au STO et des résistants.
Avec l’aide des organisations chrétiennes comme la Cimade, le Secours suisse, les Quakers et grâce aux réseaux de sauvetage juifs comme le réseau Garel de l’OSE, beaucoup d’enfants et d’adolescents ont été recueillis dans les pensions de familles, les fermes et les maisons d’enfants.
Le caractère clandestin du sauvetage et la modestie des habitants font qu’il est difficile d’établir le nombre exact de personnes sauvées. Si plus de 1000 noms sont connus, certains historiens retiennent le chiffre de 3500 Juifs sauvés grâce à l’action de la population du Plateau.
Une mémoire, un lieu
A l’instar des Pasteurs André Trocmé et Edouard Theis, plus de 70 habitants du Plateau ont été reconnus Justes parmi les Nations par l’institut Yad Vashem de Jérusalem. De plus, en 1990, les habitants du Chambon et des communes voisines furent – à titre exceptionnel – honorés collectivement par Yad Vashem.
Le lieu de mémoire réalisé au Chambon-sur-Lignon présente l’histoire du Plateau et met en lumière la résistance civile et spirituelle qui s’y exprima.
Un espace mémoriel propose de nombreux témoignages filmés. Des activités pédagogiques seront également organisées. Attenant au bâtiment, un jardin paysagé offrira au visiteur un espace de sérénité.
Ce lieu de mémoire a été réalisé avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et en partenariat avec le Mémorial de la Shoah.
Comité scientifique :
Patrick Cabanel, Martin de Framond, Philippe Joutard, Olivier Lalieu, Jacques Sémelin, Annette Wieviorka
Inauguration et informations pratiques
Lundi 3 juin 2013 à partir de 11h
En présence des représentants politiques et des partenaires du projet
Lieu de Mémoire dédié aux Justes
Route du Mazet
43400 Chambon-sur-lignon
Tél. : 04 71 65 71 90 (mairie)
Email : memoire@ville-lechambonsurlignon.fr
Horaires
Du samedi 1er juin au dimanche 29 septembre 2013 :
Toute la semaine de 10h à 12h30 et de 14h à 18h
Du lundi 30 septembre au samedi 30 novembre 2013 :
Du mercredi au samedi de 14h à 18h
Tarifs : 5 € / réduit : 3 € / Gratuit pour les enfants jusqu’à 9 ans
A lire, à voir sur le sujet
La Montagne refuge
Accueil et sauvetage des Juifs autour du Chambon-sur-Lignon.
Collectif : Patrick Cabanel, Philippe Joutard, Jacques Sémelin, Annette Wieviorka
Albin Michel, 2013
Jamais je n’aurai quatorze ans
Témoignage de François Lecomte, enfant caché au Chambon-sur-Lignon
Coll. Témoignages de la Shoah, FMS / Le Manuscrit, 2005
Cette semaine, notre invitée est Odette Spingarn, ancienne déportée à Auschwitz-Birkenau, qui publie son témoignage sous le titre J’ai sauté du train. Fragments, aux éditions Le Manuscrit, dans la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Odette Spingarn décrit dans ce livre le fonctionnement des différents camps par lesquels elle est passée à partir de son arrestation avec ses parents, le 31 mars 1944, dans un village de Corrèze : la caserne de Périgueux, le camp de transit de Drancy, le camp d’extermination d’Auschwitz II-Birkenau – sa mère y décède –, un de ses sous-camps, le Kanada, où elle trie des vêtements de déportés assassinés, et enfin le camp-usine de Zschopau (Saxe, Allemagne), destination de son transfert du début octobre 1944.
À l’approche des Alliés, en avril 1945, les travailleuses forcées sont entassées dans un train à destination d’un camp de la mort. À ce moment-là, Odette prend son destin en main et s’évade en sautant du train. S’ensuit une longue odyssée qu’elle nous relate. En définitive, elle est sauvée par une femme allemande.
Bonjour, à l’occasion du 70e anniversaire de la création du CDJC, le centre de documentation juive contemporaine, qui s’appelle désormais le centre de documentation du Mémorial de la Shoah, nous recevons aujourd’hui Simon Perego, l’un des commissaires de l’exposition « CDJC, 1943-2013 : documenter la Shoah » qui est présentée au Mémorial de la Shoah à Paris jusqu’au 17 novembre 2013.
C’est au 42 rue Bizanet à Grenoble, chez Isaac Schneersohn, le 29 avril 43, en pleine guerre, qu’est créé le CDJC. A l’instar des archives du ghetto de Varsovie recueillies par l’organisation Oyneg Shabat dirigée par Emmanuel Ringelblum, il s’agissait de recueillir aussi des preuves de ce qui était en train de se passer en France, de constituer une documentation pour qu’après la guerre, on puisse écrire cette histoire et rendre justice aux victimes.