Cette semaine, notre invité est Frédéric Baleine du Laurens, Ambassadeur et ancien directeur des Archives diplomatiques, à l’occasion de la parution aux éditions Flammarion du « catalogue Goering » la liste de l’ensemble des oeuvres d’art pour la plupart spoliées à des Juifs et qui faisaient partie du butin personnel de Goering, le numéro 2 du régime nazi.
Récemment extrait des archives du Quai d’Orsay, le Catalogue Gœring est un document exceptionnel. Il s’agit de la liste complète des tableaux qui formèrent la collection rassemblée par le numéro deux du nazisme dans sa propriété de Carinhall, non loin de Berlin. Habilement conseillé par des historiens d’art, Gœring profita de son pouvoir sans limites, de l’immense fortune qu’il accumula par la persécution et l’assassinat des Juifs pour assouvir sa passion pour l’art et son goût pour la peinture occidentale., les grands artistes flamands du XVIIe siècle, les peintures allemandes du XVIe siècle, mais l’art classique français et italien.
A la fin de la guerre, une partie des œuvres fut retrouvée par les troupes américaines et le gouvernement français tenta de récupérer celle qui avaient été pillées en France. Rose Valland, attachée de conservation au musée du jeu de Paume, œuvra sans répit à la mission de recherche, aux côtés des Monuments Men.
Le Catalogue Gœring raconte, à travers l’inventaire des œuvres volées, l’histoire de leur collecte puis la recherche des propriétaires après guerre – tous n’ont pas encore été retrouvés. L’historien Jean-Marc Dreyfus renoue ici les fils de l’enquête en même temps que les équipes des archives diplomatiques décryptent cet étonnant catalogue.
Nous recevons cette semaine Esther Hoffenberg, réalisatrice, à l’occasion de la soirée consacrée à Charlotte Salomon jeudi 3 décembre au Mémorial de la Shoah dans laquelle sera projeté le film réalisé par Richard Dindo sur l’œuvre de Charlotte Salomon, intitulé Vie ou Théâtre? à 19h30 au Mémorial de la Shoah.
L’intégralité de l’œuvre Vie ou Théâtre ? de Charlotte Salomon est par ailleurs pour la première fois éditée en Français par les éditions du Tripode, avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
Cette soirée sera consacrée à l’artiste juive allemande Charlotte Salomon, artiste peintre morte à l’âge de vingt-six ans à Auschwitz, qui a laissé derrière elle plus de 1300 peintures lumineuses réalisées de fin 1940 à mi-1942 pour lutter contre le désespoir.
Réfugiée à Nice, Charlotte décide, confrontée à un monde en décomposition, de peindre, d’écrire et de mettre en scène sa vie sous la forme d’une pièce de théâtre musicale. Peu avant son arrestation en 1943, elle a confié à un ami proche l’intégralité de son oeuvre en lui disant « prenez-en soin, c’est toute ma vie ».
Le film restitue cette création originale et émouvante, à travers un travail précis et dramaturgique de montage. Déportée, Charlotte meurt à Auschwitz en 1943.
En présence du réalisateur et d’Esther Hoffenberg, productrice.
L’édition intégrale de Vie ? ou Théâtre ? publiée par les éditions Le Tripode, reproduit notamment les calques et la transcription d’une lettre finale capitale. Deux témoignages, en postface, offrent des éclairages sur l’artiste et son œuvre.
Cet ouvrage a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Nous revenons cette semaine sur l’histoire du camp de Drancy avec Renée Poznanski historienne, professeur à l’université Ben Gurion du Negev (Israël) et Denis Peschanski historien, directeur de recherche au CNRS à l’occasion de la parution aux éditions Fayard du livre Drancy, un camp en France, co-écrit avec Benoît Pouvreau.
En mai 1944, Louis Aragon écrivait que le nom de Drancy faisait « frémir les Français les plus impassibles d’apparence ». Aujourd’hui, sur le site du camp par lequel sont passé 84 % des déportés juifs de France, une cité HLM côtoie un wagon et une statue monumentale, en vis-à-vis d’un musée-mémorial de la Shoah. Drancy a conservé en effet sa vocation initiale de logement social tout en devenant le lieu de mémoire central de la Shoah en France.
C’est l’histoire complète de ce lieu qui est retracée dans ce livre. Elle démarre avec le projet architectural d’avant-garde des années 1930 et les « premiers gratte-ciel de la banlieue parisienne » ; elle relate le passage par ce camp improvisé des prisonniers de guerre français, puis des civils britanniques et canadiens. Elle évoque toutes les étapes administratives et policières qui ont accompagné la création puis la vie du « camp des Juifs » et le rôle des acteurs de cette triste histoire – les Allemands, les Français ; elle décrit la vie quotidienne des victimes juives, avec ses grandeurs et ses faiblesses.
C’est l’histoire complète de ce lieu car elle dépasse les limites du camp pour en saisir la résonance au cœur des familles juives d’internés et dans toute la France ; pour y suivre, après la Libération, les suspects de collaboration ; pour en analyser les péripéties mémorielles depuis 1945.
C’est l’histoire complète de ce lieu, enfin, car un grand nombre d’illustrations exceptionnelles accompagnent un récit fondé sur des documents largement inédits et extraordinairement émouvants.
Benoît Pouvreau est historien de l’architecture, chercheur au service du patrimoine culturel du département de la Seine-Saint-Denis. Il a publié Un politique en architecture : Eugène Claudius-Petit (Moniteur, 2004) et dirigé Les Graffiti du camp de Drancy. Des noms sur des murs (Snoeck, 2014).
Renée Poznanski historienne, professeur au département de Politics and Government à l’université Ben Gurion du Negev (Israël). Elle est l’auteur de Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale (Hachette Littératures, 1998) et Propagandes et Persécutions. La Résistance et le « problème juif » (Fayard, 2008).
Denis Peschanski est historien, directeur de recherche au CNRS. Spécialiste de la France des années noires, il a publié La France des camps 1938-1946 (Gallimard, 2002) et, avec Thomas Fontaine, La Collaboration 1940-1945. Vichy, Paris, Berlin (Tallandier, 2014).
Mémoires Vives invite pour ses deux émissions de rentrée Alain Chouraqui, sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS, et Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation.
Alain Chouraqui a dirigé « Pour résister (à l’engrenage des extrémismes, des racismes et de l’antisémitisme », paru aux éditions du Cherche midi. Il s’agit d’un ouvrage collectif, qui est à la fois une analyse scientifique des mécanismes qui ont conduit au pire, à travers une approche pluridisciplinaire et intergénocidaire, mais aussi et surtout un livre d’espoir qui montre comment résister.
Ce livre est aussi une préparation utile à quiconque veut visiter le site-Mémorial du Camp des Milles, car il développe les contenus du « volet réflexif », qui est l’une des particularités de ce centre d’histoire, de mémoire et d’éducation.
L’autre émission est consacrée à l’actualité du Site-Mémorial du camp des Milles et notamment la cérémonie officielle d’inauguration de la Chaire UNESCO « Éducation à la citoyenneté, sciences de l’homme et convergence des mémoires », qui aura lieu le 8 octobre 2015 en présence du Président de la République et de la Directrice générale de l’UNESCO. Cette chaire est l’un des dispositifs majeurs de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme menée avec les pouvoirs publics, avec un dispositif de labellisation qui permettra de reconnaître l’engagement d’une personne à travers le brevet citoyen, l’engagement d’une structure en particulier d’éducation informelle à travers l’habilitation citoyenne, et une action collective à travers le label citoyen.
Dans un contexte de repli identitaire et de nationalisme, les quatre principales associations antiracistes françaises ont par ailleurs lancé le 20 septembre 2015 conjointement un Appel national contre la montée des extrémismes, des racismes et de l’antisémitisme. Sous le titre « l’histoire alerte le présent », cet appel a été lancé à l’occasion du premier forum « Démocratie, Mémoires et Vigilance » organisé par la Fondation du Camp des Milles.
Les présidents de la Ligue des Droits de l’Homme, la LICRA, le MRAP et SOS Racisme ont rappelé leur combat en faveur de la tolérance et du vivre-ensemble, et réaffirmé leur profonde opposition « à tous les discours et à toutes les politiques de haine et d’exclusion qui préparent, toujours, le pire ».
Face à la montée des extrêmismes en France et dans le monde, ils ont ainsi condamné les « discours démagogiques qui se saisissent de difficultés objectives, de peurs et de colères pour justifier l’injustifiable : la désignation de boucs émissaires et leur exclusion ». Des mécaniques qui « déstabilisent le vivre ensemble, l’ordre public, l’idée même d’un avenir commun ».
Cet Appel national a été lancé depuis le Camp des Milles, « afin de rappeler que notre démocratie vit et se développe à l’ombre de l’histoire. Ce lieu, seul camp français d’internement et de déportation encore intact, témoigne en effet des persécutions et des déportations du régime de Vichy dont les héritiers et les défenseurs relèvent aujourd’hui la tête ».