Cette semaine, nous recevons Philippe Joutard, ancien recteur, historien, pour le livre qu’il vient de faire paraître aux éditions la découverte: Histoire et Mémoires, conflits et alliance.
Philippe Joutard nous livre ici sa vision des rapports entre mémoire et histoire, des rapports qui ont été souvent conflictuels, mais qui peuvent aussi être apaisés. La mémoire est en effet source de richesse pour l’historien, dans le cas de la Shoah, l’histoire n’aurait pas pu être écrite sans les différents témoignages qui permettent d’approcher le coeur même de la Shoah, comme Claude Lanzmann en avait fait la démonstration avec son oeuvre magistrale, Shoah. Mais l’histoire est aussi le moyen d’apaiser les mémoires blessées, et de permettre aux mémoires concurrentes de cohabiter. La meilleure manière de vaincre l’oubli et de se prémunir contre les excès mémoriels.
Bonjour, nous recevons aujourd’hui Anny Dayan Roseman, maître de conférences en littérature à l’université Paris VII, pour le livre « Un ciel de sang et de cendres, Piotr Rawicz et la solitude du témoin » qui vient de paraître aux éditions Kimé, et pour la rencontre intitulée Piotr Rawicz, un témoin scandaleux, le 2 juin prochain au Mémorial de la Shoah.
Une rencontre et un livre qui ont pour ambition de faire redécouvrir Piotr Rawicz et plus particulièrement son roman « Le sang du ciel », paru en 1961 chez Gallimard qui témoigne de l’expérience concentrationnaire et de l’anéantissement des Juifs d’Europe de l’Est. Un roman qui a été un choc au moment de sa parution, mais qui est tombé peu à peu dans l’oubli, au fur et à mesure que se constituaient les codes de la » littérature du témoignage », codes auxquels échappe totalement l’oeuvre de Rawicz.
La rencontre du 2 juin au Mémorial de la Shoah se tiendra en présence d’Anny Dayan Rosenmann, de Fransiska Louwagie, d’Hélène Cixous, de Catherine Coquio, de Bertrand Leclair, d’Anthony Rudolf et de Régine Waintrater.
Cette semaine, notre invitée est Odette Spingarn, ancienne déportée à Auschwitz-Birkenau, qui publie son témoignage sous le titre J’ai sauté du train. Fragments, aux éditions Le Manuscrit, dans la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Odette Spingarn décrit dans ce livre le fonctionnement des différents camps par lesquels elle est passée à partir de son arrestation avec ses parents, le 31 mars 1944, dans un village de Corrèze : la caserne de Périgueux, le camp de transit de Drancy, le camp d’extermination d’Auschwitz II-Birkenau – sa mère y décède –, un de ses sous-camps, le Kanada, où elle trie des vêtements de déportés assassinés, et enfin le camp-usine de Zschopau (Saxe, Allemagne), destination de son transfert du début octobre 1944.
À l’approche des Alliés, en avril 1945, les travailleuses forcées sont entassées dans un train à destination d’un camp de la mort. À ce moment-là, Odette prend son destin en main et s’évade en sautant du train. S’ensuit une longue odyssée qu’elle nous relate. En définitive, elle est sauvée par une femme allemande.
Cette semaine, notre invité est Gilles Rozier, écrivain et directeur à la Maison de la culture yiddish à Paris pour parler du livre d’Avrom Sustkever qu’il a traduit du yiddish et qui vient de paraître aux éditions Denoël.
Le 27 février 1945, Avrom Sutzkever témoignait devant le tribunal de Nuremberg des atrocités commises par les nazis dans le ghetto de Wilno. Son témoignage, capital, entrera dans l’histoire, tant la parole des victimes fut rare lors du procès. C’est dire l’importance que revêt le récit qu’il a laissé de sa vie quotidienne entre 1941 et 1944. Jeune poète, il décrit dans ce texte l’horreur et la mort comme faisant partie de l’ordinaire, avec la volonté de restituer la sincérité du témoin tout en gardant le recul d’un observateur neutre.
Avrom Sutzkever donne notamment à voir les tentatives désespérées d’une poignée de résistants pour sauvegarder les trésors de la Jérusalem de Lituanie tandis que subsiste au sein du ghetto une vie culturelle foisonnante mais clandestine, ultime rempart devant la barbarie.
Chef-d’œuvre oublié de la littérature yiddish et document historique de première importance, Le Ghetto de Wilno mêle une écriture de l’immédiateté, guidée par l’urgence de raconter, à l’évocation sensible et dramatique d’un monde plongé dans l’abîme.
Avrom Sutzkever (1913-2010) s’est installé en Israël en 1947. Fondateur de la prestigieuse revue littéraire Di Goldene keyt, il est considéré comme l’un des plus grands poètes de langue yiddish.
Traduit du yiddish par Gilles Rozier
Préface d’Annette Wieviorka
Ouvrage publié avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah