Rencontre avec l’écrivain israélien Uri Orlev

A l’occasion de la parution en français aux éditions de l’Eclat de ses premiers poèmes, écrits à Bergen-Belsen à l’âge de 13 ans, Uri Orlev, écrivain israélien pour la jeunesse, est notre invité de cette semaine, accompagné de sa traductrice, Sabine  Huynh.

Depuis son arrivée en terre d’Israël en septembre 1945, Jerzy Henryk Orlowski a conservé précieusement pendant plus de 60 ans un petit carnet à couverture rouge sur lequel, à 13 ans, il avait recopié 15 poèmes écrits au camp de Bergen-Belsen où il fut déporté avec sa tante et son jeune frère au cours de l’année 1944. Quinze poèmes qui témoignent de cette vitalité opiniâtre de l’enfant confronté à la barbarie, et de la place unique de la poésie dans le dialogue secret qu’il entretient avec lui-même. Devenu Uri Orlev, auteur de livres pour la jeunesse traduits dans le monde entier, il a souhaité rendre publics ces balbutiements d’écrivain, par une sorte de fidélité absolue à l’enfant qu’il était et à son destin, dédiant ainsi toute son œuvre littéraire d’adulte à cette génération d’enfants qui connurent la Shoah, à ceux qui y survécurent, et à ceux qui y périrent.

La traduction des poèmes réalisée par Sabine Huynh est suivie de la reproduction en fac-similé en couleurs de l’intégralité du carnet d’Uri Orlev, avec le texte dans sa version originale polonaise.

Cet ouvrage a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

- A lire, l’article de Wajdi Mouawad dans Le Monde des Livres daté du 21 octobre 2011

- Commander le livre via le site www.placedeslibraires.fr.

Ecouter l’ensemble de l’enregistrement:

L’heure d’exactitude

Invitées de cette semaine,  Annette Wieviorka, historienne, Directrice de recherche au CNRS, présidente de la Commission Mémoire et transmission à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, et Séverine Nikel rédactrice en chef de la revue L’Histoire, qui co-signent un livre d’entretiens aux éditions Albin Michel, L’heure d’exactitude.

Annette Wieviorka a vécu cette expérience rare pour un chercheur de voir son objet d’étude – la mémoire du génocide des Juifs – intéresser le grand public, les médias et les pouvoirs publics.  Ce livre d’entretiens avec Séverine Nikel retrace son itinéraire intellectuel et son travail d’historienne. <!–Depuis la publication de sa thèse, Déportation et génocide, en 1992, Annette Wieviorka a été partie prenante de tous les débats. Elle a participé à la mission Mattéoli sur la spoliation des Juifs de France et au soixantième anniversaire de l’ouverture des camps d’Auschwitz.

Pourquoi la « mémoire de la Shoah », le « devoir de mémoire » et le « témoin » tiennent-ils la place qu’ils occupent aujourd’hui dans nos sociétés ? Quel sens cela a-t-il et quels malentendus se sont installés ? Que faut-il transmettre aux générations futures ?

Ce sont quelques-unes des questions posées au fil de ce dialogue, qui retrace un parcours singulier, placé sous le signe de la liberté de pensée, et dont les grandes préoccupations puisent du côté des interrogations les plus douloureuses du XXe siècle.

Emeric Deutsch, la volonté de comprendre

Mémoires Vives revient à l’antenne ce dimanche 18 septembre, à 13h, sur RCJ, 94,8 FM pour la 5 ème saison ! Avec une émission animée exceptionnellement par Isabelle de Castelbajac, qui reçoit le grand rabbin Haim Korsia pour parler d’Emeric Deutsch, la Volonté de comprendre, aux éditions des Rosiers.

Emeric Deutsch fut l’une des grandes figures du judaïsme contemporain. Sociologue et psychanalyste, il mena de front une carrière professionnelle brillante et une vie spirituelle profonde marquée par l’étude et l’enseignement assidus de la Torah. Ce survivant de la Shoah fut également un membre éminent de la Fondation. Cet ouvrage regroupe certains de ses textes et plusieurs de ses conférences, réunis et présentés par le grand rabbin Haïm Korsia.

Ce livre a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

- Commander le livre auprès des éditions des Rosiers.

- Plusieurs conférences d’Emeric Deutsch sont visibles en ligne sur le site Akadem.org.

Présentation d’Isabelle de Castalbajac lors de la conférence du 14 septembre 2011 à la synagogue Montevidéo

« Emeric Deutsch nous a quittés il y a deux ans, à l’âge de 85 ans.

Les questions auxquelles Emeric Deutsch a fait face, toute sa vie, sont des héritages qu’il a eu la force d’accepter et qu’il a transformés pour nous en sources d’énergie et d’espoir. Héritages familiaux, noués aux ruptures de l’histoire juive et, donc, pensée de l’universel à partir du particulier juif, si tant est, comme le dit Baudelaire, qu’on n’accède à l’universel que par le particulier. Cet héritage est double. Il s’agit de la rupture qu’a constitué l’Emancipation des Juifs, à la fin du XVIIIe siècle en Europe, et de l’abîme que représente la Shoah dans l’histoire juive.

L’Emancipation constitue la première rupture. Par sa mère, Emeric Deutsch est le descendant du Hatam sofer, l’un des plus importants commentateurs des corpus juifs et l’un des grands penseurs de l’entrée du peuple juif dans la modernité, définie, en Europe, par l’ouverture des sociétés aux populations juives installées en leur sein depuis des siècles. En effet, les Juifs, installés en Espagne, en Italie, en Grèce en Gaule dans le sillage d’Alexandre le Grand, à partir du IVe siècle avant l’ère chrétienne et dans l’Empire romain-germanique, dès l’époque romaine, deviennent sujets de droit à partir de 1791 en Europe, grâce à la Révolution française.

L’entrée dans les sociétés européennes, progrès juridique et social considérable pour les Juifs, constitue toutefois un défi pour le judaïsme. En effet, comment rester juif, dès lors que le rabbin perd ses prérogatives de juge au civil comme au pénal ? l’ancêtre d’Emeric Deutsch soulève la question au début du XIXe siècle, question qui sera reprise par d’autres, dont Samson Raphaël Hirsch, au XIXe siècle, en Allemagne. C’est de ce rabbin que se réclame Emeric Deutsch. Selon Samson Raphaël Hirsch, la contradiction se résout d’elle-même, puisque les outils permettant la mise en œuvre de l’éthique juive ouvrent une voie royale vers la réalisation de l’idéal humaniste. Il concilie donc sans réserve l’attachement à la tradition et l’engagement dans le monde.

Ainsi, après avoir étudié dans les yeshivoth les plus prestigieuses de Hongrie, dont l’une était dirigée par un Docteur en philosophie, Emeric Deutsch devient l’élève de Piaget à Paris, après la Shoah, psychanalyste membre de la Société psychanalytique de Paris, l’un des fondateurs et des Présidents directeurs généraux de la Sofrès et professeur de psychologie sociale  à l’Institut d’études politiques de Paris.

Réciproquement, il fait entrer Freud, sans se départir de sa rigueur méthodologique, dans le cercle des penseurs juifs, que l’on considère les buts ou les moyens caractérisant et le projet de civilisation juif et l’herméneutique. En effet, judaïsme et psychanalyse définissent tous deux comme idéal humain la maîtrise des pulsions, qui ne peut passer que par la libre reconnaissance par l’homme de ses limites, face à une loi transcendante. Elles développent une herméneutique commune, Emeric Deutsch montrant que le Talmud interprète la Bible comme Freud interprète l’inconscient, soucieux de discerner le sens caché des mots derrière toute parole.

La deuxième rupture, ou plutôt l’abîme, qui va s’ouvrir dans l’histoire juive et qu’Emeric Deutsch s’efforce de penser, est la Shoah. Appartenant par son père à la lignée des grands-prêtres du temple de Jérusalem, il s’interroge sans relâche sur les moyens de réparer l’accroc fait par la Shoah dans la relation entretenue par une partie du peuple juif avec le judaïsme. Pourquoi et comment rester juif après la Shoah ? Qu’est-ce que l’antisémitisme ?

Déporté dans un camp de travaux forcés en Hongrie pendant la Shoah, échappant à la mort grâce au respect du jeûne du neuf Av et des règles alimentaires juives, évadé deux fois, résistant, torturé, en deuil éternel des membres de sa famille et des six millions de Juifs assassinés par les nazis, Emeric Deutsch cherche à refonder la nécessité de l’étude, tout comme celle de la pratique. Mais pour cela, il faut trouver des réponses sans appel, mobilisant toutes les ressources de l’intelligence et de l’amour du peuple juif.

Si l’enjeu, pour le judaïsme comme pour toute civilisation, consiste à trouver les moyens de réaliser l’idéal universel que représente le règne de la justice et de la paix, alors Emeric Deutsch reformule, à l’aide des concepts et à partir des urgences qui sont ceux du XXe siècle, le principe de centralité du respect de la loi. Il met en lumière la singularité du postulat juif selon lequel la loi ne peut être respectée si elle n’est pas intériorisée. Il expose aux yeux de tous les deux grands dispositifs élaborés par le judaïsme permettant cette intériorisation de la loi. Ainsi, pour qu’elle ne s’apparente pas à  une morale plaquée, il convient de la réinterpréter à chaque génération, d’en retrouver les fondements, d’en entreprendre la généalogie. En un mot, il faut faire parler la parole.

D’autre part, puisque, comme nous le rappelle Emeric Deutsch, le verbe « connaître » signifie, au sens biblique, « être traversé par une réalité », il faut que le corps s’approprie la loi. C’est toute la fonction de la pratique, selon Emeric Deutsch. En définitive, il nous montre que le judaïsme préconise, non pas le refoulement des pulsions, mais leur mise au service du bien moral.

Dans une magnifique conférence donnée à La Sorbonne à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire d’Elie Wiesel, que vous retrouverez page 469 du livre et sur le site d’Akadem, Emeric Deutsch résume cinquante ans de recherches, de colloques et de cours en présentant les trois sources de la vitalité du peuple juif. Je vous y renvoie.

Son inlassable étude des textes le conduit à considérer la haine de l’origine et de la loi comme les causes de l’antisémitisme, dont seuls les symptômes peuvent, selon lui, être traités, mais sans concession, l’antisémitisme se nourrissant du laxisme.

Les outils que le judaïsme propose à l’homme pour qu’il grandisse en humanité, Emeric Deutsch les a offerts à tous, Juifs et non-Juifs, à travers son métier, son engagement communautaire et son enseignement. Aujourd’hui, Haïm Korsia et Martine Faynzilberg, à la demande de la Commission Culture juive de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, nous les offrent à leur tour.

C’est à mon arrivée à la Fondation pour la mémoire de la Shoah,  que j’ai rencontré Emeric Deutsch, il y a huit ans. Il a illuminé, avec Ady Steg, les débats de la Commission Culture juive et m’a remise en contact avec la part ashkenaze de la spiritualité juive.

Dans le traité Shabbath du Talmud de Babylone, page 49b, Rabbi Pinhas dit : « Maintenant que me voilà assis, je voudrais écouter de ces belles paroles que tu prononces chaque jour… »

Emeric Deutsch nous manque. »

Isabelle de Castelbajac, Chargée de mission Culture juive à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah

Chassez les papillons noirs

« Chassez les papillons noirs », c’est le titre d’un livre-témoignage, qui est aussi le récit de toute une vie, celle de Sarah Lichtztejn-Montard, invitée de cette émission. La vie tragique et pourtant finalement heureuse et accomplie d’une jeune fille qui, après avoir réussi à s’évader du Vel d’Hiv avec sa mère, a été déportée à Birkenau en 1945.

Emission animée par Perrine Kervran

Ce livre dit la violence et l’inhumanité de la déportation, il dit la cruauté arbitraire des discriminations faites aux Juifs, il dit aussi la dureté de la vie avant guerre dans les quartiers populaires. Mais il dit aussi la force, l’importance et la chance de ceux qui ont été aimés de leurs parents et abreuvés de culture.  Et si ce livre parle de la bassesse, la cruauté et la lâcheté de certains, il dit aussi la solidarité, la générosité et le courage des autres devant l’adversité.

Rencontre-dédicace

Dimanche 24 juin 2012, 15h30

Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple
75003 Paris
Standard : 01 53 01 86 60
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