Les disparitions d’Anna Langfus

Nous recevons cette semaine Jean-Yves Potel, écrivain et journaliste spécialiste de l’Europe centrale. Docteur habilité en sciences politiques, il a longtemps enseigné à l’université de Paris-VIII. Ancien conseiller culturel à Varsovie, il vient de publier une biographie d’Anna Langfus, Les disparitions d’Anna Langfus,  aux éditions Noir sur Blanc et inaugure prochainement une exposition consacrée à Anna Langfus à Sarcelles.

Romancière française d’origine juive polonaise, Prix Goncourt en 1962, Anna Langfus (1920-1966) est une rescapée de la Shoah. Installée en France après la guerre, elle publie trois romans Le Sel et le soufre (1960), Les Bagages de sable (Prix Goncourt 1962) et Saute, Barbara (1965). Elle est une des premières romancières à transmettre par la fiction l’expérience de la Catastrophe. Son oeuvre a été traduite en 15 langues.

Anna Langfus

Une vie marquée par la Shoah



Anna Langfus a presque 20 ans quand l’armée allemande envahit la Pologne. Elle tente, avec son jeune mari, également juif, d’échapper aux massacres des nazis. Elle est prise dans les ghettos, les rafles et les traques. Elle connaît la faim, les trahisons, la prison, les tortures, l’errance dans les forêts et participe à la résistance polonaise. La guerre anéantit tous les siens.

À l’âge de 26 ans, elle part en France pour refaire sa vie. En 1960, elle s’installe à Sarcelles. Elle écrit. Elle donne une première pièce de théâtre, Les Lépreux, en 1956. Puis elle publie aux éditions Gallimard trois romans qui rencontrent un large public : Le Sel et le soufre (1960) évoque la guerre du point de vue d’une jeune femme ordinaire ; Les Bagages de sable (Prix Goncourt 1962) et Saute, Barbara (1965) racontent l’histoire de personnages « malades de la guerre » qui ne parviennent pas à refaire leur vie.

Anna Langfus ne donne pas un témoignage au sens propre, plutôt une évocation intime de la Catastrophe et du désarroi des survivants juifs. Elle est une des rares romancières françaises à transmettre la violence de cette épreuve par la fiction. Le ton et le style de ses récits dérangent ; ils se départissent d’une littérature héroïque, consensuelle ou consolatrice.

Elle a disparu à l’âge de 46 ans.

Exposition


Du dim. 2 au dim. 16 fév. 2014 – Sarcelles
Présentant des photos, des extraits de son œuvre, des documents inédits et des archives audiovisuelles, cette exposition reconstitue l’atmosphère des trois romans d’Anna Langfus. Elle met le spectateur en contact avec la réalité de la Shoah à l’Est et avec la puissance et l’originalité du style de l’écrivain.

Du dimanche 2 février au dimanche 16 février 2014
Vernissage le dimanche 2 février 2014 à 11h
Entrée libre

Maison du patrimoine
1 rue des Piliers
95200 Sarcelles

Exposition réalisée par Jean-Yves Potel, écrivain et journaliste spécialiste de l’Europe centrale. Docteur habilité en sciences politiques, il a longtemps enseigné à l’université de Paris-VIII. Ancien conseiller culturel à Varsovie, il est l’auteur d’une biographie d’Anna Langfus.

Conception graphique : Elizabeth Saint-Jalmes, artiste plasticienne et graphiste

Cette exposition a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Regards sur les ghettos

Cette semaine, notre invitée est Sophie Nagiscarde, responsable des activités culturelles au Mémorial de la Shoah, commissaire avec l’historien Daniel Blatman de l’exposition « Regards sur les ghettos » au Mémorial de la Shoah.

L’invasion de la Pologne en septembre 1939, marque le début de la Seconde Guerre mondiale. Dans les territoires annexés à l’Est, l’idée de séparer totalement les Juifs du reste de la société et de les regrouper dans des quartiers spéciaux s’impose aux nazis et des centaines de ghettos sont progressivement mis en place.

Curieusement, ces lieux d’exactions ont été immortalisés par des centaines de clichés, conservés aujourd’hui dans des centres d’archives ou chez des collectionneurs privés. Que nous donnent à voir ces images ? Quelle est leur fonction ? Propagande ? Témoignage ? Dénonciation ?

Mendel Grossman, Juifs du ghetto de Lodz disant adieu à leurs familles avant une déportation (Beth Lohamei Hagetaot)
Mendel Grossman, Juifs du ghetto de Lodz disant adieu à leurs familles avant une déportation (Beth Lohamei Hagetaot)

Les réponses sont en partie données par le contexte de leur réalisation, par la lecture des scènes représentées et bien sûr par leurs auteurs. Des unités de propagande nazies ont ainsi photographié les ghettos pour les besoins de campagnes antisémites. Des soldats allemands ont aussi pris des clichés. Enfin, plusieurs photographes juifs ont, en dépit de l’interdiction, continué à prendre des photos de leur propre destruction tout au long des années de l’occupation nazie.
Néanmoins, les perspectives portées par chacun de ces regards ne sont pas toujours limpides.
L’ambivalence reste le maître mot de ces photographies qui pérennisent un monde juif en cours d’anéantissement.

Quatre enfants juifs discutent dehors dans le ghetto de Kaunas. Photo: Georges Kadish (Crédit: USHMM)
Quatre enfants juifs discutent dehors dans le ghetto de Kaunas. Photo: Georges Kadish (Crédit: USHMM)