Cette semaine et la semaine suivante, nous recevons Blanche Finger, qui a co réalisé avec William Karel le film en 8 épisodes Jusqu’au dernier, la destruction des Juifs d’Europe , diffusé sur France 2 à l’occasion du 70 ème anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau et Pawel Rozenberg qui l’a produit. Deux émissions de Mémoires Vives pour cette série qui fera référence.
À partir du lun. 26 janv. 2015 sur France 2 – 70 ans après la libération du camp d’Auschwitz, cette série en 8 volets explore l’histoire de la Shoah de la montée du nazisme à la « Solution finale » jusqu’à la découverte des camps et ses conséquences dans le monde d’après-guerre. À travers l’intervention d’une cinquantaine d’historiens de premier plan, elle présente les avancées de la recherche historique tout en restant accessible au plus grand nombre.
Dans une perspective internationale, cette série donne aussi la parole à de grands témoins en s’appuyant sur des images d’archives et des images tournées aujourd’hui sur les lieux emblématiques de la Shoah.
William Karel et Blanche Finger proposent ici une vision d’ensemble de la Shoah, s’intéressant aux victimes, aux bourreaux et à leurs complices, mais aussi aux sociétés dans lesquelles ce crime sans précédent a pu être commis.
Documentaire, 2014, 8 x 52 min., Zadig Production / France télévisions
Cette série a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
Cette semaine, notre invitée est Sophie Nagiscarde, responsable des activités culturelles au Mémorial de la Shoah, commissaire avec l’historien Daniel Blatman de l’exposition « Regards sur les ghettos » au Mémorial de la Shoah.
L’invasion de la Pologne en septembre 1939, marque le début de la Seconde Guerre mondiale. Dans les territoires annexés à l’Est, l’idée de séparer totalement les Juifs du reste de la société et de les regrouper dans des quartiers spéciaux s’impose aux nazis et des centaines de ghettos sont progressivement mis en place.
Curieusement, ces lieux d’exactions ont été immortalisés par des centaines de clichés, conservés aujourd’hui dans des centres d’archives ou chez des collectionneurs privés. Que nous donnent à voir ces images ? Quelle est leur fonction ? Propagande ? Témoignage ? Dénonciation ?
Les réponses sont en partie données par le contexte de leur réalisation, par la lecture des scènes représentées et bien sûr par leurs auteurs. Des unités de propagande nazies ont ainsi photographié les ghettos pour les besoins de campagnes antisémites. Des soldats allemands ont aussi pris des clichés. Enfin, plusieurs photographes juifs ont, en dépit de l’interdiction, continué à prendre des photos de leur propre destruction tout au long des années de l’occupation nazie.
Néanmoins, les perspectives portées par chacun de ces regards ne sont pas toujours limpides.
L’ambivalence reste le maître mot de ces photographies qui pérennisent un monde juif en cours d’anéantissement.
Le 13 avril 2011, au Palais de l’Elysée, le Président de la République remettra les insignes de la légion d’honneur à 6 anciens déportés « enfants de Buchenwald », ces enfants venus des ghettos et des camps de concentration, avant d’être regroupés au camp de Buchenwald. Après la libération, 500 d’entre eux sont accueillis en France. Pour revenir sur cette histoire singulière et méconnue, nous recevons cette semaine l’historienne Katy Hazan, responsable du servive « Histoire et Mémoire » de l’OSE (Oeuvre de Secours aux enfants).
Emission animée par Perrine Kervran
Lorsque le 11 avril 1945, les soldats de l’armée américaine pénètrent dans le camp de concentration de Buchenwald, un camp où étaient principalement détenus des prisonniers politiques, parmi lesquels les Français constituaient le groupe le plus important, ils découvrent avec stupeur un millier d’enfants et d’adolescents juifs, rescapés des « marches de la mort », qui venaient d’arriver à Buchenwald.
Alors que les déportés politiques sont très rapidement rapatriés vers la France, les Alliés ne savent que faire de ces jeunes qui n’ont plus ni parents ni famille.
Le rabbin aumônier des forces américaines, Hershl Schechter, ayant entendu parler du formidable travail de sauvetage mené en France par l’Oeuvre de Secours aux Enfants – qui par le biais d’un réseau clandestin est parvenu à sauver plus de 2.000 enfants juifs de la déportation – se tourne alors vers cette association pour envisager la prise en charge de ces jeunes.
L’OSE – association sociale juive qui, au sortir de la guerre, a ouvert 25 maisons d’enfants à l’intention des orphelins de la Shoah, enfants cachés ou déportés – se mobilise immédiatement, en lançant une campagne d’opinion publique sur le sort de ces enfants, relayée à la fois par le Parti communiste français et le journal L’Humanité, ainsi que par le mouvement gaulliste, en la personne de Geneviève Anthonioz-De Gaulle. Le gouvernement provisoire de la République française décide d’accueillir 426 de ces jeunes rescapés.
Le 6 juin 1945, les enfants de Buchenwald arrivent dans le préventorium d’Ecouis, lieu de transit mis à disposition de l’OSE par le gouvernement français. C’est là que les garçons deviennent les « enfants de Buchenwald », certains amers et rageurs, d’autres, joyeux drilles, cherchant à rattraper le temps perdu, vacillants mais jamais terrassés.
Pour tous, Ecouis est un choc, confrontation improbable et difficile entre des enfants détruits, fragiles et imprévisibles, et le personnel de l’OSE, indécis et placé face à une situation à laquelle il n’était pas préparé. Ils attendaient des enfants, ce fut, pour la plupart, des adolescents qui vinrent habiter les locaux du préventorium. Des peluches et des jouets avaient été disposés sur les lits des dortoirs, mais ce furent d’abord la confiance et le dialogue qu’il fallut rétablir pour rendre leur enfance disparue à ces « enfants ».
Puis, à force d’être entourés, aimés et compris autant qu’il était possible aux adultes de l’OSE de le faire, des sourires et des larmes se firent jour, larmes auxquelles bon nombre de ces enfants attribuent leur retour à l’humanité.
Quarante-huit pour cent des jeunes ont retrouvé un membre de leur famille. Les autres sont seuls au monde. A la fermeture d’Ecouis, 17 d’entre eux ont retrouvé des attaches familiales en France et 33 ont été placés dans des familles d’accueil. Les plus religieux sont envoyés à Ambloy, puis à Taverny et Versailles, les autres dans le foyer de la rue Rollin, et dans les maisons d’enfants, quelques uns à Moissac (chez les Eclaireurs israélites) pour se refaire une santé.
Sur les 426 venus en France, une vingtaine d’enfants sont restés et ont demandé la nationalité française. Ils se sont intégrés et ont fondé une famille. Les autres se sont dispersés sur les cinq continents. Ils sont devenus israéliens, américains, canadiens, australiens. Parmi eux, l’écrivain et prix Nobel de la paix Elie Wiesel et l’ancien grand rabbin d’Israël, Meir Lau.
Katy Hazan a publié A la vie! Les enfants de Buchenwald, du shtetl à l’OSE aux éditions FMS/ Le Manuscrit