Emissions du 23 et du 30 décembre: notre invité est Laurent Joly, historien, directeur de recherches au CNRS, à l’occasion de la parution de son dernier livre aux éditions Grasset: l’Etat contre les juifs, Vichy, les nazis et la persécution antisémite.
Première émission:
Pourquoi, dès l’été 1940, le maréchal Pétain a t-il impulsé une politique antisémite? Quel était le poids de la pression allemande? Y avait-il volonté de sacrifier les juifs étrangers pour protéger les juifs français? Dans quelle mesure l’administration a t-elle collaboré? Que savait-on de l’extermination des juifs à l’Est? Les crimes de bureau ont-il été jugés? Autant de questions qui aujourd’hui encore taraudent la mémoire collective française, et sur lesquelles Laurent Joly apporte un éclairage limpide et nuancé.
Émission du 11 novembre 2018 avec Jérôme Prieur, réalisateur du film Ma vie dans l’Allemagne d’Hitler, disponible dans un coffret DVD et qui sera diffusé sur Arte début 2019.
Emissions du 17 et du 24 décembre, animées par Stéphane Bou : notre invité est Olivier Guez, écrivain, pour revenir sur les questions posées par son livre, La disparition de Josef Mengele, publié aux éditions Grasset, prix Renaudot.
C’est l’histoire d’un homme qui pourrit. Pas n’importe quel homme mais celui qui, opérant le tri à l’arrivée des convois à Auschwitz, sélectionnait les cobayes pour ses expérimentations médicales. Josef Mengele, « l’Ange de la mort » : son nom et son surnom vont devenir légendaires, charriant avec eux l’imaginaire de la pire criminalité nazie. Celle qui découpe, triture et veut s’enfoncer toujours plus loin dans le « matériel humain » pour percer le secret des races. Après la guerre, Mengele rejoint l’Amérique latine, où se retrouvent les plus fidèles d’Hitler qui ont réussi à s’échapper. En Argentine d’abord, puis au Paraguay et au Brésil. C’est là, au sein d’un « Quatrième Reich fantôme » nostalgique et qui rêve de revanche, qu’Olivier Guez – dans La disparition de Josef Mengele, qui vient d’obtenir le prix Renaudot – piste le « détritus de l’Histoire » dont il a fait un personnage de roman ; pour mieux le regarder pourrir comme une vieille pomme vénéneuse.
Pendant quelques années après la guerre, Mengele est comme un pacha qui survit bien grâce à son réseau d’entraide. Mais, alors que sa traque va s’intensifier, comme l’écrit Olivier Guez : « le voilà livré à lui-même, asservi à son existence, aux abois, moderne Caïn errant. Commence la descente aux enfers. Il va ronger son cœur et s’égarer dans la nuit ». Le livre met alors en scène le contraste entre la mythologie, décrite par Olivier Guez comme celle « d’un super vilain aussi insaisissable que Goldfinger, une figure pop du mal, invincible, richissime et rusée » et la réalité d’une déchéance sans commune mesure avec les fantasmes qui ont inspiré Hollywood (on pense ici aux personnages incarnés par Lawrence Olivier dans Marathon Man, par exemple, ou par Gregory Peck dans Ces garçons qui venaient du Brésil).
Tout au long d’un récit sec et précis, qui fuit la grandiloquence – on est loin des Bienveillantes de Jonathan Littel –, le lecteur est pris par un étrange suspense. Celui qui suit l’agonie misérable d’un criminel monstrueux devenu une épave paranoïaque.
Notre invitée cette semaine est Martine Poulain, conservatrice des bibliothèques, ancienne dirigeante de la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, à l’occasion de la parution en livre de poche de Livres pillés, lectures surveillées. Les bibliothèques françaises sous l’Occupation aux éditions Folio. Un travail qui avait donné lieu à une publication de la liste des spoliés sur le site du Mémorial de la Shoah, afin de permettre aux personnes concernées ou à leurs familles de récupérer leurs livres ou d’être indemnisés.
Dans la France de 1940 à 1944, une France qui est à la fois celle de l’occupant nazi et celle du régime de Vichy, les livres sont pillés. À la différence des archives des ministères et des musées, peu de bibliothèques publiques sont l’objet du pillage par l’occupant, à l’exception des alsaciennes et des mosellanes, germanisées et propriétés du Reich. Le vol de masse, nazi mais aussi vichyste, frappe en revanche, dès juin 1940, les bibliothèques institutionnelles – juives, slaves, maçonnes – mais aussi privées, celles des premiers ennemis du Reich (les grandes familles juives, les Allemands exilés, les hommes politiques du Front populaire).
Puis le pillage accompagne ordinairement les rafles. Plus de dix millions de livres prennent le chemin de l’Allemagne.
Le régime de Vichy, de son côté, surveille les livres, les bibliothèques et les lecteurs, sous la houlette d’une Bibliothèque nationale devenue le parangon de l’ordre nouveau, instrument de la collaboration d’État aux mains de Bernard Faÿ.
En regard, Martine Poulain esquisse les portraits de quelques grandes figures, notamment Jean Laran, conservateur des Estampes, administrateur de la Bibliothèque nationale lors de l’invasion et de la Libération, et Marcel Bouteron, inspecteur général, deux érudits à l’éthique infaillible, qui surent, face à la brutalité, à la bêtise et à la mesquinerie des temps, prendre le chemin juste et agir dans la droiture.
Docteur en sociologie et conservateur des bibliothèques, Martine Poulain a dirigé la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art jusqu’en 2013.
La première édition de ce livre est parue en 2008 dans la collection NRF Essais de Gallimard. Cette édition de poche a fait l’objet d’une actualisation.
Dans le cadre de ses recherches, Martine Poulain a constitué une base de données regroupant les listes de 2342 personnes et 412 institutions spoliées. Ces dernières ont été mises en ligne sur le site du Mémorial de la Shoah.
Cette base de données a été établie avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.