Emission du 13 octobre 2019: notre invitée est Catherine Bernstein, réalisatrice, qui signe une enquête passionnante sur le sujet sensible du rôle de la SNCF pendant l’Occupation, et en particulier concernant la déportation des Juifs. Le film sera diffusé sur France 3 le jeudi 21 novembre à 22h55, et projeté en avant première au Mémorial de la Shoah le 10 novembre prochain, à 14h30.
Nous revenons cette semaine sur l’histoire du camp de Drancy avec Renée Poznanski historienne, professeur à l’université Ben Gurion du Negev (Israël) et Denis Peschanski historien, directeur de recherche au CNRS à l’occasion de la parution aux éditions Fayard du livre Drancy, un camp en France, co-écrit avec Benoît Pouvreau.
En mai 1944, Louis Aragon écrivait que le nom de Drancy faisait « frémir les Français les plus impassibles d’apparence ». Aujourd’hui, sur le site du camp par lequel sont passé 84 % des déportés juifs de France, une cité HLM côtoie un wagon et une statue monumentale, en vis-à-vis d’un musée-mémorial de la Shoah. Drancy a conservé en effet sa vocation initiale de logement social tout en devenant le lieu de mémoire central de la Shoah en France.
C’est l’histoire complète de ce lieu qui est retracée dans ce livre. Elle démarre avec le projet architectural d’avant-garde des années 1930 et les « premiers gratte-ciel de la banlieue parisienne » ; elle relate le passage par ce camp improvisé des prisonniers de guerre français, puis des civils britanniques et canadiens. Elle évoque toutes les étapes administratives et policières qui ont accompagné la création puis la vie du « camp des Juifs » et le rôle des acteurs de cette triste histoire – les Allemands, les Français ; elle décrit la vie quotidienne des victimes juives, avec ses grandeurs et ses faiblesses.
C’est l’histoire complète de ce lieu car elle dépasse les limites du camp pour en saisir la résonance au cœur des familles juives d’internés et dans toute la France ; pour y suivre, après la Libération, les suspects de collaboration ; pour en analyser les péripéties mémorielles depuis 1945.
C’est l’histoire complète de ce lieu, enfin, car un grand nombre d’illustrations exceptionnelles accompagnent un récit fondé sur des documents largement inédits et extraordinairement émouvants.
Benoît Pouvreau est historien de l’architecture, chercheur au service du patrimoine culturel du département de la Seine-Saint-Denis. Il a publié Un politique en architecture : Eugène Claudius-Petit (Moniteur, 2004) et dirigé Les Graffiti du camp de Drancy. Des noms sur des murs (Snoeck, 2014).
Renée Poznanski historienne, professeur au département de Politics and Government à l’université Ben Gurion du Negev (Israël). Elle est l’auteur de Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale (Hachette Littératures, 1998) et Propagandes et Persécutions. La Résistance et le « problème juif » (Fayard, 2008).
Denis Peschanski est historien, directeur de recherche au CNRS. Spécialiste de la France des années noires, il a publié La France des camps 1938-1946 (Gallimard, 2002) et, avec Thomas Fontaine, La Collaboration 1940-1945. Vichy, Paris, Berlin (Tallandier, 2014).
A l’occasion du salon du livre du Mémorial de la Shoah, qui se tient les 7 et 8 juin, nous recevons Isabelle Choko, qui publie son témoignage dans la collection « Témoignages de la Shoah ». Une collection réalisée par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah en partenariat avec les éditions le Manuscrit et dirigée par Philippe Weyl.
En avril 1945, Isabelle Choko, alors Izabela Sztrauch, a 16 ans et ne pèse que 25 kilos. Dans l’hôpital de fortune établi par l’armée anglaise après la libération du camp de Bergen-Belsen, on la surnommait « la jeune fille aux yeux bleus ».
Izabela est née en Pologne dans une famille aimante et généreuse. En 1940, comme tous les Juifs de Lodz, les Sztrauch sont contraints de s’installer dans le ghetto mis en place par les nazis. Izabela n’a que 11 ans.
Enfermés, ils souffrent de la faim et des maladies ; le père d’Izabela y succombera. La jeune fille et sa mère, une femme de tête et de cœur, parviennent à échapper aux rafles jusqu’à la liquidation du ghetto en 1944.
Déportées vers Auschwitz-Birkenau, elles sont transférées au camp de travail forcé de Waldeslust, un camp annexe de Bergen-Belsen où elles seront évacuées cinq mois plus tard. Les conditions épouvantables qui règnent alors à Bergen-Belsen auront raison de la mère d’Izabela. Elle mourra aux côtés de sa fille. L’adolescente trouvera la force de survivre en venant en aide à ses codétenues.
Izabela construira en France une nouvelle vie, forte des valeurs humanistes de ses parents. Fidèle à leurs engagements, elle s’attache à honorer leur mémoire et celle des millions de Juifs exterminés dans la Shoah.
Nous recevons aujourd’hui Jean-Raphael Hirsch, président du comité français pour Yad Vashem, et ancien Président de la commission solidarité de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah pour son livre « Réveille-toi papa, c’est fini », préfacé par Boris Cyrulnik, qui vient de sortir aux éditions Albin Michel.
Médecin radiologue originaire de Transylvanie, Sigismond Hirsch fut un grand résistant, particulièrement actif dans les réseaux des organisations juives et notamment des EIF au sein desquelles il a pu sauver 400 jeunes Juifs. Arrêté, il est déporté à Auschwitz et affecté au service de Josef Mengele. À son retour de déportation, consulté par le général de Gaulle et Pierre Laroque, le premier directeur général de la Sécurité sociale, il prend une part considérable dans l’instauration d’un système social de soins médicaux et fonde le COSEM (Coordination des œuvres sociales et médicales) qui, grâce à des dispensaires et des centres de soins, offrit au plus grand nombre une médecine conventionnée de qualité.
Son fils, Jean-Raphaël, agent de liaison dès l’âge de neuf ans, a suivi les traces de son père en devenant chirurgien. En entrecroisant les souvenirs qu’il a conservés de sa mère, Berthe, résistante assassinée à Auschwitz, et le témoignage de son père, Jean-Raphaël Hirsch nous plonge dans une des pires périodes de notre histoire ; à travers son récit, la psychologie de l’enfant caché et le traumatisme qui perdure à l’âge adulte sont évoqués avec talent. Mais c’est aussi une leçon de vie et d’espoir qui nous est donnée à lire, et à méditer : survivre et construire après Auschwitz.
Né en 1933, chirurgien des hôpitaux, Jean-Raphaël Hirsch joue aujourd’hui un rôle important au sein de la communauté juive. Président du Comité français pour Yad Vashem, il est membre du Conseil d’administration de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.