Nous recevons aujourd’hui Denis Peschanski, historien et président du conseil scientifique du mémorial de Rivesaltes qui sera inauguré le 16 octobre prochain en présence du Premier Ministre Manuel Valls.
Le Mémorial du camp de Rivesaltes se propose de rappeler le souvenir des différentes communautés qui se sont succédé sur cet camp ancien militaire du Sud de la France: Espagnols, Juifs et tsiganes, de 1941 à 1942, soit 17500 personnes internées dans ce camp de la zone dite « libre », puis harkis en 1962.
Le projet de ce mémorial est né dans les années 90, à l’initiative de Claude Delmas, Claude Vauchez et Serge Klarsfeld et il a fallu presque 20 ans pour qu’il voit enfin le jour, grâce notamment à l’impulsion de Christian Bourquin, qui a porté ce projet avec le Conseil Général des Pyrénées orientales et la Région Languedoc Roussillon, et qui s’est éteint l’année dernière avant que le site ne soit inauguré.
C’est l’architecte Rudy Ricciotti, à qui l’on doit déjà le Mucem à Marseille, qui a conçu, au milieu des ruines du camp, ce mémorial de béton de 210 mètres de long et de 3000 m2 d’espace intérieur et qui abritera salles pédagogiques, auditorium et expositions permanentes et temporaires.
Mémoires Vives invite pour ses deux émissions de rentrée Alain Chouraqui, sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS, et Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation.
Alain Chouraqui a dirigé « Pour résister (à l’engrenage des extrémismes, des racismes et de l’antisémitisme », paru aux éditions du Cherche midi. Il s’agit d’un ouvrage collectif, qui est à la fois une analyse scientifique des mécanismes qui ont conduit au pire, à travers une approche pluridisciplinaire et intergénocidaire, mais aussi et surtout un livre d’espoir qui montre comment résister.
Ce livre est aussi une préparation utile à quiconque veut visiter le site-Mémorial du Camp des Milles, car il développe les contenus du « volet réflexif », qui est l’une des particularités de ce centre d’histoire, de mémoire et d’éducation.
L’autre émission est consacrée à l’actualité du Site-Mémorial du camp des Milles et notamment la cérémonie officielle d’inauguration de la Chaire UNESCO « Éducation à la citoyenneté, sciences de l’homme et convergence des mémoires », qui aura lieu le 8 octobre 2015 en présence du Président de la République et de la Directrice générale de l’UNESCO. Cette chaire est l’un des dispositifs majeurs de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme menée avec les pouvoirs publics, avec un dispositif de labellisation qui permettra de reconnaître l’engagement d’une personne à travers le brevet citoyen, l’engagement d’une structure en particulier d’éducation informelle à travers l’habilitation citoyenne, et une action collective à travers le label citoyen.
Dans un contexte de repli identitaire et de nationalisme, les quatre principales associations antiracistes françaises ont par ailleurs lancé le 20 septembre 2015 conjointement un Appel national contre la montée des extrémismes, des racismes et de l’antisémitisme. Sous le titre « l’histoire alerte le présent », cet appel a été lancé à l’occasion du premier forum « Démocratie, Mémoires et Vigilance » organisé par la Fondation du Camp des Milles.
Les présidents de la Ligue des Droits de l’Homme, la LICRA, le MRAP et SOS Racisme ont rappelé leur combat en faveur de la tolérance et du vivre-ensemble, et réaffirmé leur profonde opposition « à tous les discours et à toutes les politiques de haine et d’exclusion qui préparent, toujours, le pire ».
Face à la montée des extrêmismes en France et dans le monde, ils ont ainsi condamné les « discours démagogiques qui se saisissent de difficultés objectives, de peurs et de colères pour justifier l’injustifiable : la désignation de boucs émissaires et leur exclusion ». Des mécaniques qui « déstabilisent le vivre ensemble, l’ordre public, l’idée même d’un avenir commun ».
Cet Appel national a été lancé depuis le Camp des Milles, « afin de rappeler que notre démocratie vit et se développe à l’ombre de l’histoire. Ce lieu, seul camp français d’internement et de déportation encore intact, témoigne en effet des persécutions et des déportations du régime de Vichy dont les héritiers et les défenseurs relèvent aujourd’hui la tête ».
Notre invité cette semaine est Olivier Lalieu, historien et responsable de l’aménagement des lieux de mémoire et des projets externes du Mémorial de la Shoah et membre de la commission Mémoire et transmission de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, pour la publication d’une Histoire de la Mémoire de la Shoah aux éditions Soteca.
La mémoire de la Shoah a une histoire. Elle commence au lendemain de la découverte des camps, en particulier de celui d’Auschwitz, par la mobilisation d’une poignée de militants qui posent les bases d’un récit difficilement audible et compréhensible. Elle s’incarne d’emblée par des commémorations et un engagement dans la société. Mais la mémoire dominante est d’abord celle de la Résistance et des résistants. Pourtant, en trois décennies (1960-1990), la mémoire de la Shoah va s’imposer et devenir universelle.
Elle acquiert une place incontournable dans la culture occidentale et mondiale, bouleversant les représentations et les élites. C’est cette histoire construite par des hommes et des femmes par-delà les générations, avec passions, mais aussi liée à des conjonctures politiques singulières, que ce livre donne à comprendre. Une histoire du temps présent qui interroge aussi l’avenir de la mémoire.
Cette semaine, nous recevons la réalisatrice Sabrina Van Tasselà l’occasion de la sortie le 13 mai prochain de son film La Cité Muette, une mémoire occultée, consacrée à la mémoire de Drancy.
À première vue la Muette est une cité HLM banale, comme il en existe des milliers en région parisienne. Pourtant derrière ces murs se cache l’ancien camp de Drancy où près de 63 000 Juifs furent internés avant de partir dans les camps de la mort. L’endroit a été réhabilité en logement social au lendemain de la guerre. 500 personnes vivent ici au rythme des commémorations et côtoient les anciens internés venus se recueillir.
Comment a-t-on pu rendre habitable le plus grand camp d’internement de France dès le lendemain de la guerre ? Pourquoi a-t-on occulté de manière si peu éthique la mémoire de ce lieu ?
De sa construction à nos jours, cet ensemble d’immeubles en fer à cheval n’a pas encore livré tous ses secrets. Ce documentaire propose un voyage dans le temps à travers les vestiges d’origine de la cité, les archives de la ville et le souvenir des survivants, confronté aux témoignages des habitants d’aujourd’hui. En retournant avec eux sur les traces de leur passage, les différents visages de Drancy apparaissent au grand jour, pour mieux cerner l’histoire oubliée du plus grand camp d’internement français.
Documentaire, France, 90 mn, J2F Productions, 2014, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.