Juifs en pays arabes

Comment en 25 ans, en l’espace d’une génération, tout un monde, toute une civilisation bimillénaire voire trimillénaire, a pu disparaître, sans laisser de traces dans les manuels scolaires, sans laisser beaucoup de traces si ce n’est dans les mémoires familiales? C’est la question importante qu’étudie l’historien Georges Bensoussan, notre invité cette semaine, à l’occasion de la parution de son dernier livre aux éditions Tallandier, Juifs en pays arabes, le grand déracinement 1850-1975.


Dans cet ouvrage, l’historien Georges Bensoussan cherche à comprendre comment les communautés juives d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen-Orient – communautés parfois très anciennes – ont été contraintes de quitter leur pays après la Seconde Guerre mondiale. Il entend se détacher des lectures passionnelles et des partis pris idéologiques pour explorer les racines d’un exode qui ne fut pas le seul fait du conflit israélo-arabe.

Sous l’effet de la colonisation européenne, les Juifs des pays arabes, majoritairement séfarades, ont accédé à une forme de modernité culturelle, parfois à un réel développement économique, et se sont affranchis de l’ancestral statut de dhimmis.

Depuis les années 1920, la naissance de l’anticolonialisme arabe a structuré le destin des minorités juives prises malgré elles dans le conflit colonisé-colonisateur. La situation en Palestine et la collusion de certains leaders arabes avec les pays de l’Axe ont fini de dissoudre les ultimes liens qu’une longue cohabitation avait jadis établis.

Lors du reflux des puissances européennes, de nombreux Juifs furent ainsi contraints de partir après avoir subi humiliations et spoliations. Dans certains cas, ces phénomènes se sont accompagnés de violences physiques.

Du Maroc en Égypte, de la Libye au Yémen comme en Irak et en Tunisie, des centaines de milliers de Juifs ont ainsi dû quitter les pays arabo-musulmans en moins de 25 ans.

L’histoire dramatique de ces Juifs fut par la suite occultée, éclipsée par la prédominance d’un judaïsme ashkénaze lui-même recouvert par l’ombre immense de la Shoah.

S’appuyant sur des archives de l’Alliance israélite universelle, des documents diplomatiques français, des archives israéliennes et d’autres fonds épars du CDJC et de l’OSE, Georges Bensoussan a voulu envisager dans toute son épaisseur le déracinement des Juifs vivant dans les pays arabes.

Historien et responsable éditorial au Mémorial de la Shoah (Paris), Georges Bensoussan est l’auteur de Un nom impérissable ? Israël, le sionisme et la destruction des Juifs d’Europe (Seuil, 2008), Europe. Une passion génocidaire (Mille et une nuits, 2006), Une histoire intellectuelle et politique du sionisme (Fayard, 2002). Il a également co-dirigé le Dictionnaire de la Shoah (Larousse, 2009).

Cet ouvrage a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

- Commander le livre auprès de la librairie du Mémorial de la Shoah.

Les enfants dans la Shoah

On estime que près d’un million et demi d’enfants juifs ont été assassiné pendant la Shoah. Le Mémorial de la Shoah leur consacre une exposition très complète, qui permet de retracer le regard qu’on eu les enfants sur les persécutions dont ils ont fait l’objet, à partir des écrits et témoignages des enfants eux mêmes. Nous recevons cette semaine les commissaires de cette magnifique et émouvante exposition, Sophie Nagiscarde, responsable des activités culturelles du Mémorial de la Shoah et Jean-Yves Potel, conseiller sur la Pologne.

Un million et demi d’enfants juifs de moins de 15 ans ont été assassinés en Europe durant la Shoah. Au fondement de la mise à mort des victimes, le crime d’être né et lui seul. Dès le début des persécutions mises en place par les nazis et leurs collaborateurs, la plupart des enfants basculent d’un monde protégé, celui de leur famille, dans un monde inconnu, auquel malgré leurs souffrances ils doivent faire face : exil, exclusion, enfermement, peur, faim, isolement, assassinat. Leur sort, quel que soit le pays d’Europe dans lequel ils se trouvent, relève de situations particulièrement dramatiques.

Pourtant, dès 1938 des réseaux et des individus se mobilisent pour tenter de les sauver, en les cachant par exemple, ou lorsque les sauver était impossible, en leur procurant un entourage affectif, pédagogique ou moral.

De ces enfants il nous est parvenu des lettres, récits, journaux, dessins ; témoignages intimes et spontanés, ô combien précieux et d’une incroyable maturité, de leurs espoirs, de leurs luttes, de leurs sentiments, laissés avant le silence.

Ils sont la base, parmi d’autres écrits, photographies et films d’époque, de l’exposition proposée par le Mémorial de la Shoah, pour évoquer le sort et les actes des enfants qui ne sont plus, mais aussi de ceux qui ont survécu.

- Visiter le site Internet de l’exposition

Le Mémorial de la Shoah propose une programmation spéciale autour de cette exposition.

Exposition

Du mardi 19 juin au dimanche 30 décembre 2012

Mémorial de la Shoah
17, rue Geoffroy-l’Asnier 75004 Paris

Entrée libre

A noter également, l’exposition « C’étaient des enfants ». Déportation et sauvetage des enfants juifs à Paris, 1940-1945 présentée à l’Hôtel de Ville de Paris du 26 juin au 27 octobre 2012.

Vassili Grossman: les années de guerre

Vassili Grossman, un écrivain de combat. C’est le titre de l’exceptionnelle biographie parue aux éditions du Seuil et réalisée par Myriam Anissimov, notre invitée, qui retrace la vie et l’itinéraire intellectuel de l’auteur de Vie et destin, expliquant comment la découverte de la Shoah, des massacres commis par les Einsatzgruppen sur le front de l’Est transforment Vassili Grossman en écrivain juif, engagé, bientôt soumis à l’antisémitisme profond du régime soviétique et à la censure.

Au terme d’une minutieuse enquête, menée en Russie, en Ukraine et en Israël, Myriam Anissimov nous offre le compte rendu détaillé du parcours de Vassili Grossman (1905-1964). Les années de guerre sont tout à fait capitales dans la compréhension de l’itinéraire de Vassili Grossman. Correspondant de guerre, il vit à la fois les moments les plus importants du front, notamment la bataille de Stalingrad, mais surtout découvre les massacres commis par les Einsatzgruppen, qui ont décimé l’ensemble de la population juive d’Ukraine, notamment de Berditchev sa ville natale, où vivait sa mère, mais aussi de Babi Yar, où 50 000 juifs de Kiev ont été assassinés. En 1944, il est l’un des premiers à entrer dans Maidanek et Treblinka. Il participe à l’entreprise de collecte de témoignages de crimes nazis en URSS, qui aboutira au Livre noir, initié par le Comité juif antifasciste, qui servira de preuve au procès de Nuremberg.

En retraçant l’extraordinaire destin d’un écrivain (chimiste de profession) d’abord célébré par les autorités, puis de plus en plus critique à mesure qu’il prend conscience de la stratégie totalitaire et sanglante du stalinisme et surtout lorsqu’il devient lui-même victime de l’antisémitisme, Myriam Anissimov raconte toute l’histoire de l’ancienne URSS.

Grossman mourra sans avoir assisté à la publication de son ouvrage fondamental, document exceptionnel sur la manipulation et la destruction des individus, au nom d’un hypothétique bien collectif. La maladie aura raison de sa résistance et c’est grâce à la ténacité de ses proches et amis que son chef-d’oeuvre sera publié.

Myriam Anissimov est née en 1943 dans un camp de réfugiés en Suisse. D’origine polonaise, elle est l’auteur de plusieurs romans dont La Soie et les Cendres (Payot), Dans la plus stricte intimité (L’Olivier), Le Marida (Julliard), Sa Majesté la Mort (Seuil) et des biographies de référence de Primo Levi (Lattès) et Romain Gary (Denoël).

Ce livre a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Myriam Anissimov présentera son livre mardi 26 juin à 19h au Mémorial de la Shoah dans le cadre du festival des cultures juives.

- Lire un extrait du livre sur le site des éditions du Seuil.

- A voir sur le site Akadem, la conférence consacrée à Vassili Grossman organisée au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris en avril 2012.

- Commander le livre via le site www.placedeslibraires.fr.

Correspondance de Zacharie Mass, médecin du camp de Drancy

Gabrielle Mass a retrouvé récemment les lettres qu’a envoyées son père, Zacharie Mass à sa mère, alors qu’il était interné au camp de Drancy. Un document remarquable, publié aux éditions FMS/ le Manuscrit, dans la collection témoignage de la Shoah. Gabrielle Mass est l’invitée de l’émission de cette semaine, avec Michel Laffitte, historien spécialiste de l’histoire du camp de Drancy, qui a annoté cet ouvrage. Ils feront une présentation de cet ouvrage le 13 juin à 19h au Mémorial de la Shoah.

Quatre-vingts lettres écrites à son épouse par le Dr Mass, interné au camp de transit de Drancy du 16 octobre 1941 au 31 juillet 1943, nous font entrer dans l’intimité d’un médecin de la cité ouvrière de Maisons-Alfort, victime de la persécution antisémite. Le Dr Mass nourrit l’espoir d’une libération, alors que planent parmi les internés juifs, la famine, la terreur d’être fusillé comme otage puis, à partir de mars 1942, la peur d’être déporté. Aucune des protections que pourraient lui valoir son passeport roumain, la Roumanie étant un allié du Reich, ni même son état de santé précaire ou sa volonté de tromper ses bourreaux ne lui épargnent la déportation.

Envoyé dans les mines de charbon de Jaworzno, Zacharie Mass, à bout de forces, est transféré à Auschwitz-Birkenau où il sera gazé et son cadavre brûlé.

Cet ouvrage saisit de l’intérieur ce que fut la vie dans le camp de Drancy, où transitèrent la grande majorité des déportés juifs de France durant la Seconde Guerre mondiale.

Préfacé par Jacques Chirac, le livre est introduit et annoté par l’historien Michel Laffitte, auteur avec Annette Wieviorka d’une histoire du camp de Drancy (Éd. Perrin, 2012).

- Communiqué et extraits du livre (pdf, 5 pages)

- Commander le livre auprès de la librairie du Mémorial de la Shoah.

Rencontre

Mercredi 13 juin 2012, 19h

Avec Gabrielle Mass, fille de Zacharie Mass,
et Michel Laffitte, historien, docteur à l’EHESS.

Rencontre animée par le Grand Rabbin Haïm Korsia, Aumônier général des Armées.

Mémorial de la Shoah
17 rue Geoffroy l’Asnier 75004 Paris
Métro : Saint-Paul (L1) ou Pont Marie (L7)

Entrée libre sur réservation :
par téléphone au 01 42 77 44 72
ou en ligne sur le site du Mémorial de la Shoah

- Télécharger le flyer de la rencontre (pdf)

Gabrielle Mass, sur les traces de son père interné à Drancy

France 3 – Mardi 27 mars 2012
Sujet : Marie Berrurier, Mathieu Benito, Roselyne Morez et Patrick Lejeail
Avec Gabrielle Mass et Michel Laffitte

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