Pillages et spoliations des livres et des bibliothèques

Notre invitée cette semaine est Martine Poulain,  conservatrice des bibliothèques, ancienne dirigeante de la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, à l’occasion de la parution en livre de poche de Livres pillés, lectures surveillées. Les bibliothèques françaises sous l’Occupation aux éditions Folio. Un travail qui avait donné lieu à une publication de la liste des spoliés sur le site du Mémorial de la Shoah, afin de permettre aux personnes concernées ou à leurs familles de récupérer leurs livres ou d’être indemnisés.

Dans la France de 1940 à 1944, une France qui est à la fois celle de l’occupant nazi et celle du régime de Vichy, les livres sont pillés. À la différence des archives des ministères et des musées, peu de bibliothèques publiques sont l’objet du pillage par l’occupant, à l’exception des alsaciennes et des mosellanes, germanisées et propriétés du Reich. Le vol de masse, nazi mais aussi vichyste, frappe en revanche, dès juin 1940, les bibliothèques institutionnelles – juives, slaves, maçonnes – mais aussi privées, celles des premiers ennemis du Reich (les grandes familles juives, les Allemands exilés, les hommes politiques du Front populaire).

Puis le pillage accompagne ordinairement les rafles. Plus de dix millions de livres prennent le chemin de l’Allemagne.

Le régime de Vichy, de son côté, surveille les livres, les bibliothèques et les lecteurs, sous la houlette d’une Bibliothèque nationale devenue le parangon de l’ordre nouveau, instrument de la collaboration d’État aux mains de Bernard Faÿ.

En regard, Martine Poulain esquisse les portraits de quelques grandes figures, notamment Jean Laran, conservateur des Estampes, administrateur de la Bibliothèque nationale lors de l’invasion et de la Libération, et Marcel Bouteron, inspecteur général, deux érudits à l’éthique infaillible, qui surent, face à la brutalité, à la bêtise et à la mesquinerie des temps, prendre le chemin juste et agir dans la droiture.

Docteur en sociologie et conservateur des bibliothèques, Martine Poulain a dirigé la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art jusqu’en 2013.

La première édition de ce livre est parue en 2008 dans la collection NRF Essais de Gallimard. Cette édition de poche a fait l’objet d’une actualisation.

Commander cet ouvrage via le site des éditions Gallimard.



- Dans le cadre de ses recherches, Martine Poulain a constitué une base de données regroupant les listes de 2342 personnes et 412 institutions spoliées. Ces dernières ont été mises en ligne sur le site du Mémorial de la Shoah.

Cette base de données a été établie avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Livres spoliés entreposés au dépôt d'Offenbach, USHMM
Livres spoliés entreposés au dépôt d’Offenbach, USHMM

Walter Benjamin

Nous recevons cette semaine Marc de Launay, philosophe, chercheur au CNRS, auteur et traducteur de très nombreux livres, qui a participé de près à l’élaboration de Cahier de L’Herne consacré à Walter Benjamin, coordonné par Patricia Lavelle et publié avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah

Tout le monde connaît aujourd’hui Walter Benjamin : son « enfance berlinoise », son exil à Paris, ses relations tourmentées avec Gershom Sholem ou Theodor Adorno, sa fin tragique en 1940 lorsqu’il échoue à passer les Pyrénées pour fuir le nazisme. Son œuvre est également de plus en plus connue du public français, bien qu’éclatée, dispersée entre de multiples éditeurs comme si la fragmentation, qui est sa marque, était irrémédiable.

Ainsi chacun, parce qu’il a picoré dans son œuvre protéiforme,croit connaître Walter Benjamin suffisamment bien pour pouvoir se dispenser de l’étudier sérieusement. C’est à cette réception paresseuse, dilettante, de Benjamin que les éditions de l’Herne ont voulu remédier en lui consacrant un cahier.

Ce travail collectif de près de 400 pages se veut une approche systématique de l’oeuvre de Walter Benjamin prise dans toutes ses dimensions ; il a été publié avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah sous la coordination de Patricia Lavelle, spécialiste de Walter Benjamin qui enseigne à l’université de Rio, avec l’aide d’un autre philosophe, Marc de Launay, qui est notre invité aujourd’hui.

 

Liste des contributeurs et des textes compris dans ce volume

- Commander le Cahier de l’Herne Walter Benjamin sur le site des éditions de L’Herne (39€)

Cet ouvrage a été publié avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

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J’ai de la chance

« Moissac, c’est une maison d’enfants un peu spéciale, parce que Shatta était spéciale. Moissac, c’était une forteresse de la joie, qui nous protégeait des menaces. Et surtout, c’était une vraie famille. Il y avait deux choses primordiales : qu’aucun enfant ne soit déporté et nourrir tout le monde. Ca a marché ! ». Ce texte est extrait de « J’ai de la chance », une pièce écrite et interprétée par Laurence Masliah, actuellement à l’affiche au théâtre Lucernaire à Paris jusqu’au 4 janvier. Pour en parler, nous recevons cette semaine Laurence Masliah, auteur et comédienne et Jean-Claude Simon, qui est le fils de Shatta et Bouli Simon qui dirigeaient la maison d’enfants de Moissac.

Laurence masliah J'ai de la chance

Sur scène Laurence Masliah incarne Germaine, une grand-mère amoureuse de la langue française et couturière hors pair, mais qui perd un peu le fil. Le fil, justement, c’est l’histoire de Moissac, cette maison d’enfants des EIF, les Eclaireurs israélites de France. Une maison dirigée par Shatta et Bouli Simon, qui sont vos parents, Jean-Claude Simon, et qui a servi de refuge à plus de 500 enfants juifs, au départ des réfugiés de la région parisienne et d’Alsace Lorraine, puis des enfants sortis par l’OSE et les EI des camps d’internement du sud de la France, avant la fermeture de la maison en 43 et la prise en charge des enfants à travers diverses filières de sauvetage.

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Cette pièce a reçu le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Dossier de présentation (pdf)

Représentations

Du mercredi 30 octobre 2013 au samedi 4 janvier 2014
Du mardi au samedi à 19h

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Tarifs – Plein : 25 € / Seniors : 20 € / Réduit (- de 26 ans, chômeurs) : 15 € – Enfant jusqu’à 12 ans : 10 €
Billeterie : 01 45 44 57 34 ou en ligne

Distribution

Auteur : Laurence Masliah avec la collaboration de Marina Tomé
Mise en scène : Patrick Haggiag
Dramaturgie : Mariette Navarro
Avec : Laurence Masliah

Production : En votre compagnie

Durée : 1h10

Shatta et Bouli Simon

Regards sur les ghettos

Cette semaine, notre invitée est Sophie Nagiscarde, responsable des activités culturelles au Mémorial de la Shoah, commissaire avec l’historien Daniel Blatman de l’exposition « Regards sur les ghettos » au Mémorial de la Shoah.

L’invasion de la Pologne en septembre 1939, marque le début de la Seconde Guerre mondiale. Dans les territoires annexés à l’Est, l’idée de séparer totalement les Juifs du reste de la société et de les regrouper dans des quartiers spéciaux s’impose aux nazis et des centaines de ghettos sont progressivement mis en place.

Curieusement, ces lieux d’exactions ont été immortalisés par des centaines de clichés, conservés aujourd’hui dans des centres d’archives ou chez des collectionneurs privés. Que nous donnent à voir ces images ? Quelle est leur fonction ? Propagande ? Témoignage ? Dénonciation ?

Mendel Grossman, Juifs du ghetto de Lodz disant adieu à leurs familles avant une déportation (Beth Lohamei Hagetaot)
Mendel Grossman, Juifs du ghetto de Lodz disant adieu à leurs familles avant une déportation (Beth Lohamei Hagetaot)

Les réponses sont en partie données par le contexte de leur réalisation, par la lecture des scènes représentées et bien sûr par leurs auteurs. Des unités de propagande nazies ont ainsi photographié les ghettos pour les besoins de campagnes antisémites. Des soldats allemands ont aussi pris des clichés. Enfin, plusieurs photographes juifs ont, en dépit de l’interdiction, continué à prendre des photos de leur propre destruction tout au long des années de l’occupation nazie.
Néanmoins, les perspectives portées par chacun de ces regards ne sont pas toujours limpides.
L’ambivalence reste le maître mot de ces photographies qui pérennisent un monde juif en cours d’anéantissement.

Quatre enfants juifs discutent dehors dans le ghetto de Kaunas. Photo: Georges Kadish (Crédit: USHMM)
Quatre enfants juifs discutent dehors dans le ghetto de Kaunas. Photo: Georges Kadish (Crédit: USHMM)